mardi 5 octobre 2010

Yves Saint Laurent – Pierre Bergé , L’Amour fou




C’est marrant quand j’y pense, parce qu’en allant au cinéma voir ce documentaire, j’ai dû emprunter la rue Berger. Du nom d’un sombre préfet de Seine de la IIe République et non pas en référence à Michel Berger. Bref, tout ça pour dire que dans ce documentaire c’est de Pierre Bergé qu’il est question, de son union avec YSL. Enfin c’est ce que laissait entendre le titre qui avait retenu mon attention et titillé ma curiosité : « L’Amour fou ». Or le film est peu éclairant à cet égard. C’est ce qui m’a posé problème. Si le film choisit de ne pas privilégier le travail d’YSL, alors qu’au moins il explore en profondeur sa liaison avec P.Bergé et toutes ses conséquences… Las.

Le film s’ouvre sur l’émouvant discours d’YSL lors de sa conférence de presse d’adieu au métier de grand couturier qu’il exerça 45 ans avec génie. Déjà malade, on le voit lire un texte très beau, expliquant son choix devant un parterre de journalistes frémissants et d’appareils photos hurlant. Derrière ses épaisses lunettes, il garde la tête baissée sur ses notes qu’il dit avec émotion. Quelques secondes avant la fin de son intervention il se redresse et, à la lumière des flashs, son regard transperce la caméra. À cet instant, l’on comprend tout. La timidité maladive. L’extrême humilité. La mélancholie. La solitude. Et le génie artistique : YSL compte parmi ceux qui on le mieux compris leur époque, tout en étant incapable de s’y sentir bien. Ça veut bien dire quelque chose ça. En 2002, il décide d’arrêter parce que la mode a changé, et il ne s’y reconnais plus. C’est ce qu’on appelle être entier. À ce sujet, ce que dit Bergé est intéressant ; il cite O.Wilde : « Avant Turner, il n’ avait pas de brouillard à Londres », pour dire que les artistes voient avec clairvoyance ce qui reste invisible à nos yeux. D’où leur solitude. Aussi, YSL dit de lui-même en riant qu’il est né avec une dépression. De toute façon je crois qu’il était maniaco-dépressif, alors il n’avait pas bien tort en disant cela. Et cette extrême timidité… que c’est touchant. On le voit donner une interview à 21 ans, alors qu’il a réalisé son premier défilé pour la maison Christian Dior dont il reprit les rennes après la mort de son maître. Le journaliste lui demande s’il est content de cette création, il répond oui. Puis le journaliste lui demande combien de personnes sont chargées de dessiner les modèles présentés. Il répond « une seule » en baissant les yeux puis garde le silence. Et le journaliste de conclure : « et c’est vous ». Il regrettera plus tard de n’avoir pas eu l’insouciance de ses 20 ans, d’avoir eu trop de responsabilité trop tôt. C’est la rançon de la gloire… se voir confier à 21 ans la succession de la maison Dior, qui était la plus renommée à l’époque…

Le film se fonde quasi exclusivement sur le témoignage de P.Bergé qui accorde une large importance aux lieux, aux objets, etc. Du coup à aucun moment il n’éclaire le titre « L’Amour fou »… On a les détails de leur collection. On a les maisons de vacances. Mais on ne sait pas pourquoi ils se sont plu l’un l’autre, ni pourquoi ça a duré… Ou alors quelques bribes éparses. D’ailleurs, on trouve très peu de vidéos où apparait YSL. Il y a beaucoup de photos en revanche, mais ce n’est pas encore assez. Pour ce qui est du détail de leur maison au Maroc, on est servi… Le tout dans une image dont la qualité n’est pas excellente : entre la caméra DV et la caméra professionnelle. Dans les scènes d’intérieur avec peu de lumière, c’est pas joli. Par ailleurs le réalisateur aurait pu se passer des gros plans lorsqu’il filme P.Bergé dans son canapé : on est au cinéma que diable !

Mais qu’importe, pour ceux qui aiment YSL, ça vaut le coup. Ne serait-ce que pour cette scène où, alors qu’il a la trentaine, il répond à un questionnaire de Proust. Hilarre, à la question de savoir comment se composait pour lui le bonheur terrestre il répond : « Dans un lit… » (silence) « … bien rempli ». C’est un des seuls moment où l’on perce un tantinet le personnage. P.Bergé dit qu’YSL ne connaissait que deux moments de joie pleine et entière par an, à la fin des défilés, sous les acclamations. Le reste n’étant que travail et tourments. Dans une interview à une télé américaine (ce n’est pas dans le film), je l’ai entendu dire : « Even without me, YSL is a genious ». Heu ! oui merci, on s’en doutait. Vanitas vanitatum, et omnia vanitas.

En sortant du ciné, j’ai emprunté en sens inverse la rue Berger. Deux chats se regardaient en chien de faillence. Belle ironie de la langue française ! Deux chats noirs d’ailleurs. Plus loin deux femmes se croisaient. L’une portait un tailleur-pantalon et l’autre un jeans taille ultra basse avec string apparent et talons hauts (et chewing-gum). Le premier libère la femme, le second l’enferme en faisant rimer liberté avec vulgarité…

lundi 13 septembre 2010

Retour à Paris

Elles sont partout ! On les avait oublié le temps d’un été passé sous d’autres latitudes ou d’autres longitudes. Mais elles, elles sont encore là, à tous les coin de rue. Oh ! elle et ses congénères ne se cachent pas. Et pour cause : elles sont ici chez elles. Paris en est infesté. Je pense qu’on en compte presque autant que les rats ; mais elles, elles occupent davantage la surface du territoire parisien que ses sous-sols… privilège de leur rang, j’imagine. Aussi, à l’air libre, elles monopolisent l’espace public. Elles s’infiltrent dans le moindre interstice. Souvent solitaires, elles n’hésitent cependant pas à se déplacer en meute, notamment pour les activités de loisirs. Il faut bien voir que leur fonctionnement cognitif est ainsi fait qu’il leur permet de considérer le shopping comme un loisir. Et il semblerait selon une étude récente que la densité, la chaleur et le bruit qui accompagnent ce genre d’activité ne soient pas considérés comme des éléments perturbateurs qui amoindrirait le plaisir pris dans l’achat d’un boléro non soldé, mais « très bien pour aller avec mon pantalon beige ». On rappellera au lecteur que l’optention dudit boléro résulte d’une triple attente (activité qu’elles affectionnent particulièrement, car elle leur donne une bonne raison de faire la gueule) : Première attente pour accéder au portique sur lequel il est suspendu. Deuxième attente pour entrer dans l’une cabine d’essayage que le prix du mètre carré parisien a transformé en luxueuse rareté. La troisième attente pour avoir le droit de se délester en caisse du montant en Euro des articles sélectionnés. Se sent-elle mieux après un achat ? Devient-elle agréable ? Esquisse-t-elle un sourire ? Non ! Elle marche, seule ou avec une de ses congénères. Le pas est ferme, le menton haut, le regard loin et les intentions faussement bienveillantes. On l’appelle communément « la parisienne » ; enfin c’est ainsi que la nomme le grand Larousse ; substantif que ne vient nullement contester le petit Robert.
Malheureusement, aucun dictionnaire ne donne d’indication sur la manière d’éradiquer ce fléau tenace.
Alors quittez Paris: Fuyez !
Ou si vous restez...
… Bon courage !

mardi 29 juin 2010

Prendre l'avion.

Les rituels du transport par voie aérienne sont connus de tous ceux qui en ont fait l’expérience. Ce sont des choses dont on se rappelle très précisément parce qu’elles vont à l’encontre de toutes nos habitudes. : pour quelques heures de notre vie, nous acceptons de remettre les clés de notre destinée à un pilote d’avion. C’est au moment où l’on donne son numéro de carte bleu que tout est joué, même si on ne le réalise pas à ce moment là. Tout devient plus concret à l’arrivée à l’aéroport. On y arrive par voie terrestre : route ou rail. Ah ce qu’on est bien les pieds sur terre. Soudain, on les voit en pleine action ces aréopages : ils décollent, ils atterrissent. Ils ont l’air si léger. Ils se posent sur la piste avec la grâce d’un albatros qui longe l’eau pour y puiser poissons. Même le décollage n’apparaît pas comme un arrachement, mais comme l’envol d’un flamand rose en pleine Camargue sauvage. Et le ballet semble infini : décollage, atterrissage, décollage, atterrissage, comme une grande farandole.

Vient notre tour. Enregistrement des bagages. Passage des portiques de sécurité. Présentation aux portes d’embarquement. Montée dans l’avion. Bonjour au commandant de bord et au « reste de l’équipage » qui ne tardera pas à nous souhaiter un agréable voyage en leur compagnie. La déclamation des consignes de sécurité qui est toujours d’un comique efficace. Et puis il y a toujours ce délicieux moment où l’on nous apprend qu’en cas de dépressurisation de la cabine des masques à oxygènes tomberont et qu’il faudra tirer dessus pour qu’ils fonctionnent. Avec cette précision d’une sublime cruauté : « Veillez à disposer votre masque à oxygène avant d’aider les enfants qui seraient à vos cotés ». Puis c’est la ceinture de sécurité « jusqu’à l’extinction de la consigne lumineuse ».

Bref, jusque là tout va bien. Le décollage s’effectue. Et là les choses sérieuses commencent : la bouffe. En ce qui me concerne, lorsque intervient ce moment privilégié, je suis tiraillé par un double sentiment de jouissance et de déception. Quelle que soit la classe où je me trouve d’ailleurs. Jouissance d’abord parce que je ne puis m’empêcher de trouver ça extraordinaire de se voir servi un repas « chaud » alors qu’on file à près de 900km/h à une dizaine de kilomètre d’altitude. Pour moi c’est du domaine de la prouesse. Alors être là, quiché dans mon fauteuil à attendre la bouche en cœur qu’une dame vêtue d’un foulard bicolore autour du coup m’apporte des victuailles… cette situation m’emplit de joie. Et bien souvent, je constate que je suis le seul à accueillir avec chaleur le « personnel de bord ». Mais derrière ce sentiment, il y a toujours la constatation du désastre culinaire, du Waterloo gustatif, du juin-40 gastronomique. Même au plus profond de mon enfance, lorsque insouciants nous nous amusions dans la cour de récréation de l’école maternelle et primaire, je n’affectionnais pas le moins du monde de jouer à la dînette. Il va sans dire que c’est encore le cas aujourd’hui que je fais un mètre et 50kg de plus. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : jouer à la dînette. Le tout étant corsé par les secousses qui remuent l’avion de temps à autre et par le périmètre restreint du plateau sur lequel gît le repas. Lequel plateau étant habilement posé sur une tablette dépliable qui sort comme par magie de l’accoudoir. Bref, je défie quiconque de parvenir à se nourrir sur un tel château de cartes, sans provoquer de catastrophe. Et lorsqu’une catastrophe intervient, le pire est encore à venir : comment réparer la catastrophe sans faire empirer la situation. Autrement dit, comment, dans un espace aussi confiné, est-il possible de ramasser un petit poix tombé à ses pieds, sans renverser son jus d’orange ?

Puis le vol se poursuit, tout en perturbations, ceinture, queue aux toilettes, ceinture, lecture, extinction de la consigne lumineuse, tentatives d’endormissements ratées, mais tentatives réussies pour son voisin de gauche qui vous bave sur l’épaule adjacente. « Préparez-vous pour l’atterrissage ». Atterrissage. Attente. Sortie… Et… et l’essentiel…

Attente devant le tapis roulant qui fait défiler les bagages disposés en soute. Les valises sortent comme les numéros du loto. Certains ont du bol et choppent la première valoche qui sort, d’autres attendent une heure (oui une heure), d’autres sortent perdant et rentrent bredouilles, comme des maillons faibles, au revoir. Et tout le monde connaît cette règle, c’est la raison pour laquelle personne n’est vraiment détendu pendant cette ultime phase du voyage. Sauf les enfants qui crient partout. Alors nous on attend, patiemment. D’ailleurs, il arrive toujours un moment où l’on se dit que c’est perdu. Après 30 minutes, quand la majorité des passager s’est fait la malle… on commence à se sentir mal. Personnellement j’en viens toujours à penser que quelqu’un est parti avec ma valise et que j’attends pour rien. C’est long, long, long. D’autant plus long qu’inutile. On égrène toutes les choses indispensables qui se trouvent dans le bagage tant attendu. On se dit qu’une indemnisation au kilo ne fera pas le poids et qu’on perdra beaucoup de temps et d’argent à l’affaire. On se résigne. Augustes face à notre destin, on finit par regarder partir les autres sans jalousie. Puis, on veut faire diversion. On passe quelques coups de fil, on écoute de la musique. Mais la réalité et là, devant soi, matérialisée par une absence de valise. Un non-bagage qui ne tournicote pas sur le tapis roulant comme les affaires des autres passagers. Pourquoi moi ? On se le demande ça, hein. Mais pourquoi moi ? Voire, pour les adeptes de blasphèmes : Mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire au bon Dieu pour… etc. Est-ce une vengeance quelconque ? Et puis au bout du bout, il y a le miracle qu’on n’attendait plus. La valise finit par apparaître, comme la Sainte Vierge devant Bernadette. On la sert contre soi. On lui jure que plus jamais on ne se séparera d’elle. Puis on la fait traîner derrière soi sans plus d’attention qu’à l’accoutumée, parce que bon, c’est pas tout, mais nous on a un métro à prendre pour rentrer à la case.

jeudi 15 avril 2010

THÉÂTRE: "Colombe", de Jean Anouilh



S’il n’était pas mort, Anouilh aurait eu 100 ans cette année.
Colombe fut créée en 1951 au théâtre de l’Atelier.
Elle est reprise à la Comédie des Champs Élysées pour 4 mois, dans une mise en scène de Michel Fagadau

La pièce raconte l’histoire de… Colombe : une jeune femme mariée à Julien qui attend un enfant de lui. Seulement le jeune homme est pétri de principes et souhaite honorer la mémoire de son défunt père qui était officier. Aussi, il refuse de se faire réformer et s’aprête à aller effectuer son service militaire bien loin de Paris, l’empêchant de gagner assez pour entretenir sa femme et son enfant à naître. Peu avant son départ, dans le besoin, il entreprend de demander de l’aide à sa mère avec laquelle il entretient les pires rapports. C’est ainsi que l’on retrouve le jeune couple dans les coulisses d’un théâtre parisien. Oui, car sa mère s’avère être Mme Alexandra, l’une des deux plus grandes comédiennes de l’époque (en concurrence avec Sarah Bernardt). Au final plutôt que de leur verser de l’argent, Mme Alexandra trouve un rôle à sa belle-fille qui va donc connaître les joies et les rêves d’une jeune première, elle qui n’était promise qu’aux plus sombres destins avec un mari qui refuse de goûter aux joies qu’offre la vie. La candide et fidèle Colombe résistera-t-elle aux attraits de la vie d’artiste et aux avances de ses nombreux prétendants qui profitent de l’éloignement du mari ? À la faveur d’une courte permission, son mari rentre à Paris pour s’assurer de ce que son épouse est restée la même… Déconvenue pour lui, elle s’est émancipée. Pour lui un monde s’écroule, le monde clos qu’il avait bâti autour de leur seul couple mettant des oeillères à sa femme. Pour elle, un monde s’est ouvert, elle respire… Elle comprend qu’avant, elle ignorait qu’elle étouffait.

Voilà pour l’histoire, sur le papier. Mais ça ne suffit pas pour qu’une pièce soit réussie. Il faut que tout le reste suive. Et là c’est le cas : Mise-en-scène subtile, jolis décors (réalistes : coulisses d’un théâtre), belle lumière (qui éclaire bien^^), costumes réussis (bien dessinés et bien cousus) et… excellents comédiens : du premier au dernier rôle. Comme souvent ce sont les rôles des personnages les plus agés qui sont les plus denses et les mieux joués :
- La Surette (le secrétaire particulier de Mme Alexandra) : joué par Rufus dans un irrésistible style « bourvilien ».
- Desfournettes (le directeur du théâtre) : Extra
- Du Bartas (un vieux comédien) : Extra
- Mme George (habilleuse de Mme Alexandra) : Extra, exprime le bon sens populaire avec humour
ET :
- Poète-Chéri (l’auteur de la pièce qui est jouée dans la pièce) : Prix spécial du Jury pour Jean-Paul Bordes qui l’interprête. Il pousse son personnage très au-delà de ce que Anouilh pouvait imaginer et le fait ma-gi-stra-le-ment, avec un pouvoir comique sans borne.
- Mme Alexandra : Mention spéciale également pour Anny Duperey qui l’interprête tout en nuance, avec ce qui sied d’humour et toute la profondeur requise. (Le personnage de Colombe est joué par sa fille: Sarah Giraudeau)

Grâce à cette plongée au cœur du « boulevard du crime » (quartier de la capitale où étaient regroupés les principaux théâtres au XIXe siècle), on passe une excellente soirée. On se satisfait de voir triompher le désir sur la peur de vivre, et l’on s’effraie de voir en quoi ils sont fragiles et éphémères ces serments d’amour d’un jour et les "pour toujours". Certaines tirades raisonnent encore, longtemps après qu’elle furent prononcées : Comme Julien, au dernier acte : « En marchant dans les rues, je t’ai parlé tout ce soir, tout haut. Je t’ai tout expliqué. Les gens me regardaient, ils devaient croire que j’étais fou. Je les heurtais, je leur demandais bien poliment pardon et je continuais. C’est drôle : on peut très bien marcher, sourire, traverser les rues et être mort. Je suis déjà mort. »

Pour information :
3 Nominations Molières 2010 :
Molière de la comédienne : Anny DUPEREY (en Mme Alexandra)
Molière de la comédienne dans un second rôle : Fabienne CHAUDAT (en Mme George)
Molière du créateur costumes : Pascale BORDET

vendredi 9 avril 2010

2+3 = 5 FILMS



Deux nouveautés, trois pas nouveautés.
Deux pas réussites, trois réussites.
Deux comédies, trois pas comédies.


Le Grand Saut
(Frères Coen)
Pas nouveauté / Réussite / Comédie
Trouvez un pitch bien senti (la nomination d'un abruti à la tête d'une multinationale), incorporez une poignée d'acteurs géniaux (dont Paul Newman magnifique), secouez avec la réalisation des frères Coen (comme toujours superbe) et vous obtenez un chouette film. Avec la dose de décalage nécessaire, les absurdités du monde, de l'Amérique, du capitalisme et de l'espèce humaine sont passées à la moulinette. Fait générateur: le richissime PDG d'une énorme boîte décide en plein conseil d'administration de courir sur l'immense table et de se défenestrer (Cf. photo supra). Motif: l'argent ne fait pas le bonheur... Il sera remplacé par un type un peu simple d'esprit... "pour le meilleur et pour le rire".
5/5

Les Invités de mon père
(Anne Le Ny)
Nouveauté / Réussite / Comédie
Enfin un film français qui ne soit ni lourd, ni léger. Le triumvirat Luchini/Viard/Aumont permet au moins quatre possibilités comme autant de réjouissances. On nous donne à voir et on nous donne à penser, le tout sans pathos inutile et parfois avec humour. L'intrigue se noue par l'arrivée d'une jeune moldave et sa fille, toutes deux sans papier, qu'héberge un vieux monsieur désireux de faire un geste désintéressé, accomplissant une cause en laquelle il croit. Progressivement l'équilibre familial se rompt et pose mille questions sur la cause juste, l'altruisme, la famille, la transmission, l'amour, la lassitude...
4/5

Gomorra
(Matteo Garrone)
Pas nouveauté / Réussite / Pas comédie
Portrait brut des protagonistes ordinaires de la mafia napolitaine. C'est là que réside l'originalité. Le film n'est pas sur le cerveau de la pieuvre mais bien sur les tentacules du système. On entr'aperçoit les oligarques de cette mafia, mais ils ne trament pas le coeur de l'intrigue. La réalisation est... réaliste; économe en musique et en effets de style. Pour le reste, le film ne nous épargne aucun détail: trafics, drogue, armes, trahison, silences, enfants, ados, adultes, parrain, clans, petites frappes, terreur, survie, etc. Comment rester honnête dans un tel panier de crabes? Ca semble impossible. Tout est pourri. Seule solution: partir... ou mourir.
4/5

Le Caïman
(Nanni Moretti)
Pas nouveauté / Pas réussite / Pas comédie
On dit Nanni Moretti, Nanni Moretti... Pourtant je n'ai rien vu de transcendant dans ce film. Peut-être parce que je m'attendais à voir "Le Caïman". Oui, car le film est une mise en abîme: c'est l'histoire d'un producteur peinant à monter "Le Caïman", film sur S.Berlusconi. Moi c'est ce film là que j'aurais aimé voir, le "film dans le film". C'est-à-dire un film clairement politique, comme "Il Divo", mais sur l'Italie d'aujourd'hui. Au lieu de ça on a quelque chose qui ne démarre pas. C'est plutôt bien joué, d'ailleurs, mais on ne voit pas bien où ça veut en venir en s'entortillant dans tous les sens. Il y a un couple qui bat de l'aile, une réalisatrice qui se révèle être lesbienne, la situation du cinéma italien aujourd'hui, les difficultés de trouver un financement lorsqu'on touche à Berlusconi... Il y a tout ça. Ce pourrait être génial au fond. Mais c'est comme si les cartes n'étaient pas dans le bon ordre. Dommage.
1/5

Alice au pays des merveilles
(Tim Burton)
Nouveauté / Pas réussite / Pas comédie
Il s'agit d'un divertissement pour enfant de moins de 10 ans, rien de plus, rien de moins. Pour les autres, bon courage. Burton a voulu adapter un romain de Lewis Carroll: "De l'autre côté du miroir" qui est une sorte de suite au traditionnel "Alice" que l'on connaît et que Disney a fidèlement repris. Peut-être que Burton se frotte à un maître et qu'il ne peut donner sur pellicule la profondeur que l'écrivain donne à son roman. Peut-être que ne pas prendre de risque et réaliser un film visant à d'énormes scores au box office suppose de donner dans le consensuel mou et l'esthétique convenue. Peut-être qu'il n'a pas osé oser. En tous les cas, la sauce ne prend pas et ce n'est pas imputable aux acteurs qui sont délicieux: notamment les deux reines et le chapelier toqué (interprété par J.Depp). Alice est adulte dans cette version. Mais elle semble plus nunuche que lorsqu'elle était enfant. Difficile de parvenir à une forme de poésie avec ça. En résumé: Esthétiquement ennuyeux, narrativement pauvre, poétiquement dégarni. Peu de fantaisies, pas de magie. Le tout dans un univers sombre, voire glauque. À oublier. D'ailleurs, c'est déjà fait.
1/5 (pour l'effort en costume/décor)

mercredi 24 mars 2010

THE CRANBERRIES @ Le Zénith de Paris


Au préalable: Petite Bio perso des Cran’ :

En 1990, deux frangins irlandais (guitare et basse) flanqués d’un troisième laron (batterie) s’essaient au rock parodique sous l’impulsion d’un quatrième comparse auteur/chanteur qui écrit des chansons du style : « Ma mère s’est noyée dans une fontaine à Lourdes ». Ce fou furieux s'imagine que le groupe est sans avenir. Il se fait la malle et avant de partir leur conseille ad’auditionner Dolores O’ Riordan. Banco ! La demoiselle séduit vocalement les 3 irlandais. En plus elle écrit des textes.
En 1990, sur leur première cassette démo, on trouve deux titres : Linger et Dreams. Deux réussites, pourtant s’ensuivront trois années de galère…
Premier album sorti en 1993 qui n'est pas un grande réussite. La consécration arrive en 1994 avec le sublime « No need to argue » dont le single « Zombie » traite de la guerre civile en Irlande du Nord. S'ensuivent trois autres albums.
Entre 1993 et 2001, le groupe sort 5 albums qu’il vend à près de 40 millions d’exemplaires, dont la moitié grâce à « No need to argue ».
En 2003 Dolores annonce que le groupe fait une pause car ils sont fatigués. Elle enregistre un album. Fait une tournée. Puis un autre album. Et là, PAF, elle ne fait pas de tournée solo, mais annonce qu’elle repartira en vadrouille avec ses trois potes.
Entre novembre 2009 et octobre 2010, 40 dates sont prévues en Amérique du Nord et Sud (dans des salles de taille modeste) et 40 en Europe (dont 18 zéniths en France, ce qui est considérable mais à la hauteur de l’amour que l’Hexagone voue au groupe – qui le lui rend bien).
À l'issue de ces dates le groupe sortira un sixième opus et repartira en tournée.


22 mars 2010 : The Cranberries au Zénith de Paris

Cette date est complète depuis 5 mois. Et comment ! Les Cranberries reviennent après 7 ans d’absence dans une salle à la hauteur du groupe sans atteindre les proportions inhumaines du POPB-Bercy. Dans le public, tous les publics. Tous les sexes, tous les ages. Dolores n’a pas 40 ans. On en trouve qui ont son age, quelques-uns sont même plus agés. Le gros des troupes est trentenaire. Beaucoup sont vingtenaires comme votre serviteur et ont écouté les Canneberges à la radio lorsqu’ils étaient au collège/lycée. À l’époque cette musique plaisait à tout le monde, on enregistrait les morceaux sur cassette audio et on achetait les singles. Il n’y avait pas Internet, ni youtube, ni deezer, ni téléchargement légal, ni téléchargement illégal. Quelques-uns dans le public ont moins de 20 ans, ils sont venus en bande et ont probablement découvert le groupe sur jiwa.fr. Les filles sont beaucoup trop maquillées et pensent être désirables dans des hauts en lycra beaucoup trop ceintrés. Les garçons peinent à s’extirper du mal-être acnéique et de l’enferaillement dentaire auquel ils sont acculés. Pourtant ils sont là et vibrent aux mêmes chansons que moi à leur age. C’est un peu magique.
PS : Constat empirique : le public des Cran’ est plus petit que celui de Depeche Mode (qui fut mon dernier concert). Autant vous dire que quand tout le monde fait une tête de moins que soi et qu’on est plein centre et au 10e rang de la fosse, c’est du gateau, de la tarte, de l’or en barre.

Je fais court sur la première partie : Richard Walters. C’était gentil, en dépit de ses accents un peu trop JamesBlunt-iens que venait modérer un violoncelle aux délicieuses sonorités irlandaises qui permettaient de « se mettre dans le bain gaélique ». Après un set d’une huitaine de chansons, ils s’en vont. Le public applaudit. Et là mon voisin de gauche, d’habitude lourdeau dans ses analyses établit un constat implacable : « ce qui est terrible c’est que le groupe ne sait pas si on applaudit parce qu’on a aimé ou parce qu’on est content qu’ils se taisent ».

Le noir se fait. Les technicos s’activent. Le noir se défait. L’immense voile (noir) tombe. En fond de scène, on découvre des panneaux argentés suspendus sur trois niveaux qui créent une ambiance un peu électrique. C’est assez neutre, mais plutôt réussi et sert de support aux projecteurs pour créer des ambiances différentes. Le batteur s’installe au fond, les deux frères à gauche (guitariste) et à droite (bassiste), tandis qu’un musicos est là, en sus, à l’extrême droite avec un synthé et tout un tas d’autres instruments annexes. Dolores balaye le front de scène pendant l’heure quarante que dure le concert.

« Analyse » ouvre le bal. Tonique, vivant, irlandais, rock, ce titre donne le ton. Le public connaît, le public apprécie. Aérienne, la voix de Dolores tranche avec les instruments qui l’accompagnent. Son aspect à la fois diaphane et puissant me percute. Il n’aura de cesse de me percuter sur chaque chanson. Parce qu’elle les a écrites et qu’elle les a souvent éprouvées sur scène, Dolorès bénéficie d’une totale liberté dans l’adaptation scénique du répertoire. Elle fait chanter le public au bon rythme, de sorte que les chansons ne sont pas dénaturées : « You are with us. We are with you » répète-t-elle à plusieurs reprises, comme un leitmotiv (à l’image du titre « you and me » chanté en rappel). Elle s’exprime beaucoup entre les morceaux et quasi-systématiquement en français. Elle explique l’origine de l’inspiration d’une chanson « Animal instinct » fut écrite à la naissance de sa première fille. « Just my imagination » est une autre chanson post-natale sur le sacrifice de ses grasses-mâtinées des dimanches de gueule de bois. « Linger » fut la première composition du groupe. « When you’re gone » qui change de signification avec le temps et lui évoque aujourd’hui ses grands-parents disparus. Voilà le genre d’interactions qui font que le groupe n’est pas une machine à jouer de ville en ville et à engrenger des dollars, mais un artiste qui rencontre son public, avec sa sensibilité et selon l’humeur du jour. Dolores a une approche très physique de ses chansons et me laisse la même impression que Catherine Ringer (à la Cigale) il y a quelques temps. Les chansons ont un sens, et l’explication de texte passe aussi par le corps, une façon d’onduler, de marteler, de souligner un mot avec le poing ou la main ouverte. Ces deux femmes ont une approche plus nuancée des morceaux ; douceur n’est pas synonyme de faiblesse et n’est pas antinomique avec la révolte intrinsèque que représente ce mouvement musical. Ce n’est pas un rock viril débile, mais plus un cri à la fois brut et contrôlé. I like.

Les tubes s’enchaînent sans discontinuer, piochés principalement dans les deux albums les plus denses : « No need to argue » et « Bury the hatchet ». Pas rencunier, le groupe joue même « Ordinary day » que Dolores a sorti sur son premier album solo. Ils (les 4+1 larons) ont l’air de bien s’entendre sur scène. Musicalement, les interprétations montrent que les répétitions se sont bien déroulées. La magie fonctionne sur chaque morceau. Et 1h10 après le début, les premiers accords de Zombie résonnent dans le Zénith. Le public assis se lève et la fosse, déjà debout, lève les bras. Transe collective pour ce qui est l’hymne du groupe. Un hymne, tout le monde le connaît, il fait l’unanimité et transcende la salle entière. Pour U2, c’est Sunday Bloody Sunday, pour Mylène Farmer, c’est Désenchantée, pour les Rita, c’est Marcia Baila, pour Depeche Mode c’est Enjoy the Silence, et pour les Cranberries c’est Zombie. Ils ont pu se permettre de le jouer en dernier (avant les rappels) parce qu’ils ont plus d’un tube punchy dans leur sac à jouer avant et que le public n’a pas attendu Zombie pour être galvanisé par une chanson. Toujours est-il que c’était du délire. Évidemment version extended, dark à souhait et participative (what else ?). Autre particularité d’un hymne, il échappe un peu au groupe, le sens des paroles s’est dissipé. Chacun a trop entendu la chanson pour feindre de la redécouvrir en concert. Alors, il s’agit juste de se laisser bercer par l’instant. Apprécier l’harmonie de chaque note qui s’enchaîne selon un ordre magique qui nous fait revivre les moments où on l’a écouté cette chanson, où elle s’est associée à mille événements de sa vie, on était partout et à tous les moments. Cette chanson mille fois est revenue. On était seul chez soi, sur la moquette de sa chambre d’ado, dans la voiture, dans un TGV de nuit traversant la campagne, à l’autre bout du monde, hier encore au réveil ou sous la douche, dans le trajet en métro menant jusqu’à ce concert, en hésitant entre telle ou telle paire de rollers chez Go sport, après une rupture, avant une rupture, après une rencontre, avant, pendant, un jour d’anniversaire, un soir de pleine lune, en clip sur MTV, au détour d’un sourire, à l’ombre d’un chêne, au creux d’une épaule, dehors, dedans, ici, partout, et l’on ne sait plus, mais tout ça s’accumule, sédimente, et donne… du relief, à une chanson qui parle de tout sauf de ça, elle parle de guerre de morts, de haine, et pourtant elle donne du baume au cœur, parce qu’elle nous accompagne ; morbide compagnon, mais compagnon quand même ; fidèle comme une ombre, chaude comme un cœur amoureux et éternellement jeune et douce comme un sourire ami. En la jouant sur scène, il n’est pas impossible que le batteur en est la nausée, mais rien ne transparaît, la chanson se (re)constitue sous nos yeux comme au premier jour et se répercute en chacun de nous selon nos histoires respectives, avec la certitude toutefois que nous ajoutons là tous ensemble la même couche, et pas des moindres : une version live d’un groupe qui revient après 7 ans d’absence avec une Dolores en pleine possession de son incomparable voix. À la fin de cette chanson le groupe salue.

Le public se déchaîne pour rappeler les quatre irlandais, qu’il accueille au bout de 4 minutes en secouant des ballons aux couleurs de l’Irlande. Dolores apprécie. Elle chante « Shattered », « You and Me », « The journey » et… « DREAMS » (écouter ci-après et ci-contre). Cette ultime chanson est ma préférée. Tonique, vivante, irlandaise, rock, elle clôt magnifiquement le concert, comme « Analyse » l’avait commencé. Du grand art. Chapeaux bas les artistes.

PS : la playlist complète du concert est à
- lire ici : http://www.setlist.fm/setlist/the-cranberries/2010/le-zenith-paris-france-3d4a133.html
- écouter ici : http://www.jiwa.fr/#playlist/559809
(les chansons après « Dreams » n’ont pas été chantées au concert, mais méritent tout de même d’être écoutées)

The Cranberries, "Dreams" @ Zenith de Paris (22 mars 2010)

lundi 22 mars 2010

Bus Palladium



Paris, 1980s, Lust est un groupe de rock composé de cinq amis d’enfance qui se lancent et cherchent à percer. Ils arrivent bien après les Stones et ne sont ni anglais ni américains. Pourtant ils ont du talent.

Typiquement le genre de film que j’aurais aimé aimer. Constat amer, le film est insipide ou, pire, avec un goût de déjà-vu, mais on ne sait trop où. À y réfléchir c’est dans notre tête qu’on l’a déjà vu, après avoir lu synopsis. Le film est propre, mais peut-être trop propre. Et lorsque l’on parle du Rock n’ Roll, il faut peut-être lâcher la bride dans la réalisation. Là c’est attendu, presque cliché. Oh on ne s’ennuie pas, non. Mais on ne s’enflamme pas non plus. Pour sûr, les comédiens sauvent la mise. Une mention extra-spéciale à François Civil qui joue Mario, un des cinq larrons de la bande qui, non-musicien, s’improvise agent/impresario. Comédien très drôle et toujours juste (et très drôle – même si je l’ai déjà dit). PS: Il est au premier plan sur la photo supra.

La trame narrative est convenue : le groupe tient à la force du couple leader-guitariste que vient mettre en péril une jeune fille mignonne. Et puis en fond, bien entendu, la drogue, les filles, le petit succès, une BO Rock, la maison de disques, la salle de concerts (bus palladium), etc. Le film commence par l’enterrement du leader du groupe puis fait un flash back d’une heure trente sur les deux années précédentes qui conduisent à cette scène au cimetière. On n’aura donc rien à se mettre sous la dent en guise d’éléments de surprise. Dommage. Ce qu’il en reste est plaisant à regarder, mais à la fin il n’en reste rien… comme un mauvais chocolat qu’on suce : bon dans l’instant, oublié une fois l’instant passé. La chanson finale est « Rock n’ Roll Suicide », peut-être la plus belle chanson de tous les temps. Elle colle au thème du film puisqu’un chanteur de rock se… suicide. Elle colle parfaitement au thème, trop parfaitement. D’ailleurs la chanson est coupée au moment des génériques qui défilent sur une musique originale. On aurait préféré rester avec le grand David. Une fois sortis de la salle, c’est un peu le cas. Le film est oublié, mais la chanson de Bowie raisonne encore.

TV: La soirée électorale



La Un, la Deux, la Trois. Tout le monde sur le pont pour une soirée électorale « d’exception ». On n’a pas le don d’ubiquité, mais avec la zapette on l’a presque. 1-2-3-1-2-3 ou 2-1-3-2-1-3 ou mille autres possibilités. Chacun y va selon son inspiration.

Sur la Deux, c’est viril mais correct. Pujadas est là pour être sérieux, pour parler, pour animer le plateau. Elise lucet est là pour faire une annonce tous les quart d’heure : « merci Elise ». On sent le côté service public : un homme, une femme. Méthode Chabadabada, comme pour les listes aux Régionales. Parité. Tout bien tout bien. Neutralité. Mais bon faut pas délirer quand même : « merci Elise ».

Sur la Trois, on est encore en grève, comme au premier tour. Ou si on ne l’est plus, on ne fait pas la différence. Est-on sur un plateau de fromages national ou régional… on ne sait. Parfois un journaliste lance un duplex avec Zorro. Fausse manip’, c’est juste que dans ladite région, les techniciens sont en grève et que pour occuper l’espace, en lieu et place d’une soirée électorale, on (re)diffuse Zorro.

Sur la Un, c’est toujours très glam. Ferrari à paillette, Chazal à gogo, on donne dans le sourire, le plateau est en platinium brut, les invités sont peu nombreux, ils ont de l'espace, ils sont à dix mètres les uns des autres. Et y'a de la qualité les enfants: personne ne refuse une invitation sur la première chaîne. Aussi, à 20h00 (heure du crime), le plus beau plateau de fromages est sur la Un. On a les top leaders (comme YSL se payait les Top-Modèles) : X.Bertrand, C. Lagarde, B. Delanoë, L.Fabius, C.Duflot, MG.Buffet. Et on ne s’encombre pas de l’extrême droite qui signe pourtant avec cette élection son grand retour sur l’échiquier politique. Le Pen (père ou fille) n’est pas assez glam probablement. Lagarde écharpe Fabius sur la politique fiscale, celui-ci réplique. On se dit qu’il va y avoir un débat. Mais non. Game over. Comme à plusieurs reprises. Lolo Ferrari interrompt tout le monde par un quelconque prétexte : annonce d’un duplex ou d’un bilan des résultats « région par région ». Pourquoi ? « Parce que c’est important ». C’était pourtant amusant d’entendre Kiki Lagarde nous prouver par a + b que le bouclier fiscal a pour vocation de bénéficier aux foyers les plus modestes. On n’aura pas le détail de la démonstration malheureusement. Tout s’enchaîne inéluctablement : la déclaration de FF (F.Fillon), celle de M.Aubry, celle de Frêche (so not « fresh »), etc. Et toujours le même constat : Lorsqu’ils sont en duplex, les hommes politiques attendent que TF1 leur donne le feu vert pour parler. Du coup sur France 2, ça poireaute alors que sur TF1 ça bataille féroce sur le plateau de fromages. Ah, on voit bien où est le pouvoir… Celui qui domine c’est celui qui fait attendre l’autre. Retour sur le plateau-TV : la droite ne reconnaît pas sa défaite. Et, comme tout mauvais accusé, tout en disant qu’elle n’a pas perdu, elle trouve quand même un alibi à sa défaite : la crise « sans précédent que traverse notre pays ». Après tout ça ne mange pas de pain. On s’approche à grand pas des 20h45. Dans l'oreillette, on dit aux deux dames qui animent le plateau qu'on va finir avec 20 minutes d'avance, parce que "Oh, hé, hein, bon". Finito la politique, place au spectacle, place au rêve : « Les Experts ».

mercredi 17 mars 2010

"Luchini lit Murray" au Théâtre de l'Atelier



Je ne m’attendais pas à revoir Fabrice Luchini sur scène avant un petit moment ; lui qui vient juste de terminer son « Point sur Robert » que j’avais adoré. Oui mais voilà, le 2 décembre 2009, à la demande de la veuve de Philippe Muray, Luchini a fait une lecture de cet auteur à La société des gens de lettres. Ca n’avait pas vocation à aller plus loin. Seulement ce fut un franc succès. D’où l’idée de le proposer à un public plus large que les membres de ce cercle restreint et privilégié. De ce point de vue l’objectif est atteint, grâce à des places à bas prix (15, 20 et 25 eur.), et grâce au choix du théâtre. Le théâtre de l’Atelier se situe dans le XVIIIe arr., il est mignon, accueillant et chaleureux. C’est l’anti-Marigny, l’anti-Théâtre des champs Élysées qui sont vastes et froids. Dans sa composition, le public était varié. Dans son attitude, il était éveillé et trépidant. L’écueil d’une lecture publique, c’est l’ennui, la froideur, la bien-pensance des « intellectuels pourris de Paris »*. C’est trop souvent le cas. Mais là, rien à voir !

Évidemment il arrive en terrain conquis et reçoit une salve d’applaudissement en montant sur scène. Il s’assoit à côté d’une table où sont disposés quelques ouvrages. Derrière lui le rideau est fermé renforçant le sentiment de proximité. Ce n’est pas une leçon de littérature, c’est un agréable aiguillage. En ce sens, même si le public est sien, il aime le prendre à rebours, le taquiner, l’entraîner sur des voies inconnues. Luchini commence par un court extrait de Cioran au cynisme inégalable et, ironique, nous prévient que ça c’est pour se détendre avant d’aborder des textes plus pessimistes encore. Puis il lit Philippe Muray. C’est un décryptage aigü du monde moderne dans ce qu’il a de plus absurde et sinistre. Il moque une époque où trônent l'hyper-festif et l'infantéisme. Ca fait rire autant que ça interpelle. Luchini s’atarde sur certains mots ou expressions, par simple amour de la langue et de la musique qu’elle produit. En ce sens il donne du relief au texte, une troisième dimension. Le texte est mis en espace. Pour le spectateur, écouter devient jouissif. Le comédien-lecteur procure autant de plaisir qu’il ne semble en prendre partageant ces textes. L'Art est placé très haut et il ne s'agit pas de l'abaisser, mais de nous élever.

Luchini est là aussi pour mettre en garde et nous aider à prendre de la distance par rapport aux écrits de Muray. Car l’on aurait vite fait de se laisser prendre au piège du style, qui est si fluide et si persuasif. Muray fut un pamphlétaire autant qu’un écrivain et un penseur, et il a beaucoup plus tapé à gauche qu’à droite, de manière parfois hargneuse. Mais dans les textes que nous fait découvrir Luchini, c’est sa peinture du monde actuel qui frappe juste et fort. Le poème sur la jeune touriste occidentale altermondialiste est criant de vérité. Luchini se délecte de pouvoir par moment interpeler et choquer certains. Dans l’ensemble, l’auditoire reste suspendu à ses lèvres, se régalant de chaque phrase, chaque mot, chaque syllabe qui est sublimée par l’élocution luchinienne. Ce spectacle n’est pas un spectacle, mais une lecture. Le précédent accordait une place immense au récit par Luchini de sa rencontre avec Barthes ou à ses imitations de Johnny. Lundi dernier, toute la place est revenue au texte. Deux jours après, il raisonne encore en moi.


PS : Le seul extrait disponible sur le net d’un texte de Murray sélectionné par Luchini concerne Ségolène Royal. À vous de juger.
http://www.nouveau-reac.org/textes/philippe-muray-le-sourire-a-visage-humain/


*: Expression de Ph.Caubère

lundi 15 mars 2010

Démineurs (The Hurt Locker): 6 Oscars 2010

Le spectateur suit une équipe de démineurs d'élite pendant la dernière guerre d'Iraq. Ils sont trois: le chef un peu fou, insaisissable, mais vaillant; son audace frise l'héroïsme. Il est flanqué de deux comparses: un grand gaillard, black, qui cache ses angoisses métaphysiques derrière un sacré sang-froid et un autre gars, plus chétif et craintif qui préférerait être ailleurs, loin, loin d'ici. Mais ils sont tous en Iraq, dans le bourbier d'une guerre d'occupation, urbaine, paranoïaque: comment ne pas l'être dans un conflit où il n'y a pas de "front" de bataille, mais où les insurgés sont mêlés aux civils. En qualité de démineurs, ils sont dans une position encore plus délicate, puisqu'ils doivent intervenir dans des zones pas toujours "sécurisées". Grâce à l'excellence de la mise en scène, la tension permanente hypnotise le spectateur. La réalisatrice, Kathryne Bigelow sait ne pas tomber dans le manichéisme. Ce film n'est pas une ode à la vertu des soldats US, ni un documentaire apitoyé sur le sort du peuple iraqien. On y vit le conflit de l'intérieur, on (re)découvre ce que c'est qu'une guerre et qu'il n'y en a aucune de "propre". Le film se veut aussi psychologique, sans être moralisateur. On voit la part de folie qui pousse le personnage principal à courir derrière ce frisson, cette adrénaline du moment où il désamorce des bombes qui, s'il se trompait, le transformerait en bouillie. À un moment, face à la plus grosse des bombes, et alors qu'il s'apprête à la désamorcer, il retire son équipement de protection et a cette phrase géniale:
"There's enough bang in there to blow us all to Jesus. If I'm gonna die, I want to die comfortable."
Mais ce n'est pas que cette part de folie inconsciente qui le pousse à retourner quotidiennement se mettre en danger, c'est aussi et surtout l'absence de sens de la civilisation américaine qui met en rayon des kilomètres de yaourts sur plusieurs étages, mais qui n'offre rien d'autre qu'une société de consommation. Il a pourtant femme et enfant. Est-ce assez pour donner une signification à son existence ? Pas pour tout le monde...

lundi 8 mars 2010

The Ghost-Writer Vs. In The Loop



Deux films autour d’un Premier ministre britannique par temps de guerre en Irak. Évidemment c’est de Tony Blair qu’il s’agit, mais ce n’est pas le plus important. Ce qui compte, c’est l’atlantisme du personnage et sa façon « renouvelée » de faire de la politique. Dans les deux films, on voit les dessous de la politique, les jalousies : Femme Vs. Secrétaire, Ministre Vs. Ministre, Ministre Vs. Premier ministre, Hommes de l’ombre Vs. Hommes de lumière…

The Ghost-Writer, de R. Polanski

Thriller politique impeccable. On suit Ewan McGregor, écrivain de l’ombre (un nègre pour ainsi dire) qui est chargé d’écrire les mémoires d’Adam Lang (Pierce Brosnan), jeune ex-Premier ministre. J’imaginais que le film porterait sur l’échange entre ces deux personnages. L’un voulant réécrire son histoire à sa main, pour la postérité. Et l’autre en quête de vérité, souhaitant révéler au monde qui est l’homme qui se cache sous les habits du politique. Le film traite en partie de ça, mais ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel c’est la tension qui se niche partout : dans le décor, dans la musique, et dans l’intrigue : le précédent nègre d’A.Lang mort d’une mort douteuse alors que le manuscrit n’était pas terminé, non dits, zones d’ombres, des mensonges, des indices. La palette des techniques est hitchcockiennement maîtrisée : ironies, froid suspens, accélération du rythme, ambiguïtés, angoisses, paranoïa. Le film est riche, derrière une réalisation sobre mais bigrement réussie.

PS : On saluera la présence inattendue de Kim Cattrall (Samantha dans Sex&TheCity) qui joue la « première assistante » au service de Monsieur Lang depuis si longtemps.


In The Loop, de A. Iannucci

Satire drolatique flamboyante. Le style est tout autre. Les actions s’enchaînent comme des perles. Le ton n’a rien d’oppressant, mais atteint le niveau si difficile de « hautement comique ». On suit Toby, stagiaire fraîchement débarqué au sein du cabinet du Premier ministre et qui assiste à des scènes hallucinantes dés son premier jour. Les caractères des personnages sont poussés à l’extrême pour créer une langue drolatique et des situations cocasses. Ô que les dialogues sont ciselés. C’est jouissif comme les montagnes russes. Ça n’arrête pas. Et bien sûr la britannique ironie qui va avec. On voit l’Histoire se faire par le petit bout de la lorgnette : les petites mains qui tentent de savoir dans quelles salles sont les réunions de leurs boss, des ministres de paille s’embourber dans leurs propos (quand ils trouvent quelque chose à dire). Et avec tout ça les médias, le tourbillon de l’actualité, le microcosme des décideurs… La nuée des inutiles… Les lâches qui succèdent aux hypocrites… Cette satire politique depuis les coulisses frise le génie.

jeudi 4 mars 2010

Mylène Farmer à l'Élysée

Mylène Farmer sur les marches élyséennes

Elle sort peu. Elle se fait rare. Elle est comme ça, ce n'est pas feint: mystérieuse. Peut-être une façon de se préserver. Qu'importe. En tous les cas, cela met d'autant plus en relief ses quelques apparitions médiatiques. Dans le désert de son silence, les fans ne sont jamais repu des quelques oasis médiatiques auxquels consent la "belle rousse".
Du fait de son importante notoriété en Russie, la chanteuse fut invitée (ainsi que Patricia Kaas) par le chef de l'Etat à prendre une part au dîner officiel donné en l'honneur de M. Medvedev. Enfin un peu plus qu'une part, selon l'appétit de chacun. Pour ce genre d'événement - il s'agit tout de même d'une visite d'Etat - le protocole est immuable: on entre par la porte d'entrée! Ca peut paraître anodin, mais bon, ça veut surtout dire que tous les médias sont parqués là pour faire de belles photos en couleur bien glamour qu'on mettra dans les magazines.

Dans le cas de M.Farmer, que s'est il passé?
Jusqu'aux marches tout se passe bien: Le sourire est radieux, la robe asymétrique met parfaitement en valeur un corps que beaucoup envient, les talons hauts affinent la jambe et donne un élan de la plus grande élégance à la démarche de la chanteuse.
Mais dès la troisième marche, c'est le drame: le sourire est moins radieux, la robe bien qu'encore asymétrique ne met plus tellement en valeur quoi que ce soit (par ailleurs plus personne ne l'envie), et surtout les talons n'affinent ni n'allongent plus rien, mais tendent à ratatiner la personne dont la démarche en prend un sacré coup.

Alors que s'est-il passé?
Ce genre de catastrophe ne peut qu'être polyfactorielle. C'est exactement comme le Titanic. Il y a désastre parce qu'il y a cumul de fautes: un guet pas assez vigilant, un commandant de bord qui veut aller trop vite, un manque cruel de canots, etc. Résultat des centaines de morts. Eh bien là c'est la même chose: Les talons sont trop hauts, la robe est trop asymétrique, les portiers manquent de vigilance et de prévenance et surtout les paparazzis sont trop oppressants (Cf. Lady Di qui ne s'est jamais relevé d'une course poursuite nocturne).

Développons dans l'ordre:
1° Les cris des photographes. C'est parce qu'elle avance en regardant derrière qu'il y a chute. Comment résister aux cris des journalistes? Comment parvenir à se dire que, non, on ne se retournera pas pour monter les marches parce qu'ils ont fait assez de clichés en bas? Tourner la tête lorsque l'on est apostrophé est un réflexe humain. Il se révèle parfois lourd de conséquences.
2° Talons trop hauts: ça je pense que ce sera compris par tout le monde. Clairement en converse le drame était évité. Elle se serait peut être accroché le pied sur la cruelle troisième marche, mais elle ne se serait pas vautrée. Car oui, elle s'est bel et bien vautrée.
3° L'asymétrie de la robe. Clairement la question de la robe est posée. Ces grands bandeaux de tissus qui pendent sont co-responsables des deuxième et troisième chutes. En effet, elle prend appui sur eux en se relevant, ce qui l'empêche de pouvoir déployer entièrement sa jambe.
4° Le manque de vigilance du portier et du "mec de la sécu". Le premier est en haut des marches, le second en bas. Aucun des deux ne se sent concerné par ce qui est en train d'arriver. Ils se mettent en mouvement en même temps, au moment où il est déjà trop tard. Au final la belle rousse n'aura pas eu besoin de leur aide pour parvenir jusqu'au perron. Pas très gentlemen...

Solution numéro un?
Lorsqu'une dame se présente non accompagnée à une réception, on met à sa disposition un accompagnateur qui lui présente son bras en bas des marches et demeure à son côté jusqu'à ce que Madame soit placée.

Solution numéro deux ?
Peut-être l'Elysée pourrait-il prévoir un monte-personne sur le côté pour les personnes handicapées, mais aussi pour celles qui portent de hauts talons. Ce pourrait être un moyen ludique et efficace d'atteindre l'accueil.


En guise de conclusion je ferai quelques remarques:
_ MF pousse de délicieux petits cris absolument irrésistibles à chaque chute.
_ Les journalistes derrière leur objectif se bidonnent, ce qui est quand même le comble du mauvais goût. Mais bon, comment peut-il en être autrement?
_ Un garde républicain tourne la tête au troisième cri. Je pense qu'ils ont une consigne de ne pas ciller. J'espère que l'intrépide s'est fait limogé pour cette faute grave.

mercredi 3 mars 2010

"A single man", de Tom Ford



1962, Los Angeles.
George Falconer, Pr. d'Anglais à l'Université, apprend par téléphone qu'il a perdu Jim, son "compagnon" depuis 16 ans, dans un accident de voiture. Dévasté, l'homme tente de répondre à une seule question: "Est-il possible de vivre?". Car ce George est déjà naturellement flegmatique. Anglais, Londonien, il semble maintenir en permanence une distance entre les événements et lui. Il a toujours été comme ça, même lorsque le monde avait des couleurs, du temps où son amour était vivant.
Colin Firth interprête brillamment ce rôle solitaire qui ne parvient à se livrer vraiment qu'à sa meilleure amie, sa confidente de toujours qui est jouée par la délicieuse Julianne Moore. Les deux méritent l'oscar. Et le film mérite d'être vu. Le temps est lent, l'atmosphère troublante, sans que jamais on ne s'ennuie. Tom Ford apporte l'esthétisme, la sensibilité et la sensualité qui donnent du souffle au film et l'éloignent de toute mièvrerie. Il fait du sur-mesure brodé au fil d'or. Tom Ford joue et gagne.

"A few times in my life I've had moments of absolute clarity, when for a few brief seconds the silence drowns out the noise and I can feel rather than think, and things seem so sharp and the world seems so fresh. I can never make these moments last. I cling to them, but like everything, they fade. I have lived my life on these moments. They pull me back to the present, and I realize that everything is exactly the way it was meant to be."

Téléphones s'enfilent !

Cette boutique ressemble à un gros cube rouge qui rime avec "elle sait faire", sauf que non, elle ne sait pas faire. On y croise des gens venus changer de téléphone, venu se plaindre de x et y choses, venus rêver devant leur futur "cellulaire". Le spectacle sidère dans sa violence morale, voici quelques saynètes observées à mes dépends alors que j'attendais mon tour.

Un vieux monsieur entre. Je dois à l'honnêteté de dire qu'il était même très vieux, du genre croulant. Nul doute qu'il allait se faire avoir le pauvre. Il voulait un téléphone usuel qui donne l'heure et permette de téléphoner. Il repartit avec un truc qui clignote dans tous les sens et qui prend des photos de 5 millions de pixels qu'il pourra relier à son non-ordinateur grâce à un fil qu'il n'a -dieu merci- pas acheté. En revanche il succomba bel et bien à la tentation de souscrire à une assurance complémentaire de 8 euros par mois au cas où il arrivât quelque chose à son joujou. Le pauvre homme n'avait pu se rassembler pour faire le calcul simple que cette cotisation coûtait en fait un bras, et même le prix d'un téléphone en quelques mois de versement... En partant, médusé face à l'engin bourré de technologie, le vieillard regarda comme il put le vendeur et lui demanda, comment en s'excusant: "Pouvez-vous m'aider à régler l'heure?". Si le pauvre type redoutait déjà d'échouer dans son entreprise de régler l'horloge, il n'était pas au bout de ses peines.

Deuxième situation une dame. Oui, une dame comme le VIIe arrondissement en produit de plus typiques. Sûre d'elle, le regard sévère, la jupe droite, le talon haut, la voix qui porte, la lunette carrée. Elle était entrée dans la boutique comme d'autres ouvrent la porte de le réfrigérateur . Elle était chez elle et tout le monde l'avait bien compris. Sur son passage hommes et objets semblait plier. Elle n'y alla pas par quatre chemins: "je voudrais m'adresser au responsable de la boutique immédiatement". Son charisme lui permit de n'avoir pas à justifier cette requête et de voir l'employé s'exécuter dans la seconde. Les clients qui s'impatientaient dans la file d'attente demeurèrent silencieux et ne purent que ruminer leur petitesse. Face au grand boss, la dame du VIIe sortit le grand jeu: mouvements de bras, haussements d'épaules, mine effarée. Quelques minutes plus tard on a vu entré dans le magasin un morveux de 17 ans qui rejoint sa mère et se posta à son côté, non sans avoir reçu une taloche. Lui faisait profil bas. La responsable avait l'air gêné également. Apparemment le petit serait venu modifier son forfait quelques jours auparavant, sans l'autorisation de sa mère. Chacun essayait de garder la face. Pathétique. La dame du VII sortit triomphante, marchant deux pas derrière son fils qui avançait tête basse.

vendredi 26 février 2010

"Une Education", de Lone Scherfig

Jenny est anglaise, a 16 ans en 1961, est la fille unique d’un couple de parents sans histoire (à tous les sens du mot) qui ne rêvent que d’une chose : voir leur fille intégrer une Université d’Oxford. Parce que c’est quand même rassurant pour des parents. On la voit du coup s’y préparer jour et nuit, jusqu’à demander à son père quels « hobbies » elle doit avoir, en vue de l’oral d’entrée où il faudra faire bonne figure. Ainsi, elle joue du violoncelle dans un orchestre. La case « je suis sociable » étant remplie sur le CV, à quoi bon rester dans ce miteux orchestre ? Et son père de trancher : « Si tu en pars trop tôt, tu passeras pour une rebelle ». Jenny reste dans l’orchestre.

L’histoire bascule lorsqu’elle rencontre un type de deux fois son age qui, alors qu’il pleut, lui propose, avec toute la courtoisie qui sied à la situation, de la ramener chez elle. S’ensuit un marivaudage, un ravissement et tout un tas de péripéties classiques dans ce genre d’idylle romantique sans être mièvre (le mot « Paris » revient toutes les 10 minutes). En parfait gentleman, il la sort dans le monde, la fait voyager, lui parle peinture, musique…

Voilà un film d’époque tout à fait délicieux et agréablement surprenant... À 16 ans et avec beaucoup de maurité, la jeune fille tente d’affronter des choix de vie déterminants. Ses parents sont vite dépassés par les événements et peinent à résister à la tentation de succomber aux sirènes de la stabilité qu’offre ce riche dandy trentenaire qui sait les amadouer.

16/20

Les WC

Il y a des mots comme ça qui, par leur simple énoncé, me font rire. Au risque de paraître trivial, je me risque avec l’un d’entre eux, j’ai nommé les WC. La juxtaposition de ces deux lettres si différentes et si alphabétiquement éloignées ne peut que provoquer l’hilarité chez son lecteur. Ce « double-V » a déjà du mal à ressembler à quelque chose lorsqu’il est seul. Mais alors quand il vient se coller au « C » comme ça, en toute vulgarité… Enfin il y a pire. Il y a cette assonance : « vécé » qui est même systématiquement accentuée à l’orale lorsque l’on dit « les vécé ». « Où sont les vécé ? ». A t’entendre, « Dans ta bouche » a-t-on envie de répondre.

Syn. : Toilettes, Waters.
Mais aussi : Chiottes, « pipi-room » (pour les plus audacieux)

La semaine prochaine: PQ

mardi 23 février 2010

L’autre Dumas, de Safy Nebbou

Benoît (Poelvoorde) joue Auguste (Maquet), et Gérard (Depardieu) joue Alexandre (Dumas). Le premier est « l’autre Dumas, le nègre ». Le second est le premier Dumas, le vrai.

Le film est une réussite, du début à la fin et sur tous les plans, ce qui n’est malheureusement pas l’avis de toutes les critiques, qui ont apparemment pris la décision de ne plus jamais rien aimer de peur de passer un bon moment et de ne savoir pas comment gérer ce sentiment nouveau. Par ailleurs, un lundi à 22h25 nous n’étions que 7 aux Halles, dans une salle petite… curieux… Bref !

De quoi s’agit-il ? Auguste Maquet est un homme de l’ombre, à l’ombre du gigantesque et dantesque Dumas. Il n’est pas à proprement parler un nègre, il est beaucoup plus que ça. On va les suivre dans les semaines qui précèdent la révolution de 1848, alors que les deux écrivains s’attèlent à l’écriture parallèle d’une pièce et d’un roman.
Ils sont inséparables et irréconciliables.

Inséparables parce que, d’un côté, le Grand-Alexandre ne peut se passer de son « collaborateur » pour écrire ; et de l’autre, le trop sérieux Maquet ne peut se passer de son maître qui donne à la rigueur de son style la flamboyance nécessaire à tout succès littéraire.

Irréconciliables parce que les caractères s’opposent.
Dumas/Depardieu sort de lui-même, sort de l’écran, dévore tout ce qui passe : animaux, femmes, paysages… Il empoigne son désir et poursuit son chemin, comme un brise-glace qui fend la banquise-France selon sa vision, sans tergiverser à chaque centimètre pour savoir si le cap est bon. Il avance fort et juste, selon son intuition qui est toujours la bonne.
À l’inverse, Maquet/Poelvoorde est un travailleur plus appliqué, plus contraint, plus serré. Alors qu’il le voudrait, il ne parvient pas à sortir de ses gonds. Il se retient, il est fidèle et lorsqu’une passion amoureuse se dresse devant lui, il joue de maladresse, se prend les pieds dans le tapis entraînant dans sa chute un peu tout le monde, et même le régime politique. Et dieu sait que dans ce film le contexte historique est passionnant à observer, en toile de fond, par petites touches impressionnistes.

Ces histoires de nègres font toujours un peu fantasmer. Se dire que derrière l’histoire officielle, derrière la plume de tel ou tel il y a un oublié, un être talentueux, mais qui, pour mille raisons, n’accède pas au rang d’immortel de la littérature. Le sentiment de prendre part à une œuvre qu’il n’aurait probablement pas été capable d’initier se mêle à l’amère douleur du manque de reconnaissance. Maquet ne peut qu’être un wagon de la locomotive Dumas et Dumas ne peut avancer sans cet attelage. Peut-être le plus beau film qui soit sur le travail en équipe…

Pour le reste, tout est réussi : les costumes, les décors, la musique, la photo. Les personnages secondaires très bien servis. La réalisation est neutre ; ce n’est peut-être pas plus mal, ça n’entrave pas le déroulement du récit ni le plaisir complètement jouissif qu’il y a à observer notre Gérard national déployer tout son talent avec une déconcertante facilité.

jeudi 11 février 2010

Variations d’un plouc dès potron minet

_ Dès potron minet, la neige est belle, Paris pâlit.

_ Sarah Palin ? … pâlit aussi, de l’autre côté de l’atlantique. Drôle de tourbillon médiatique aussi débile qu’elle, la blanche américaine, gouverneure du candide Alaska à l’ours blanc et au noir pétrole. Drôle d’histoire que son histoire que cette course à la Blanche-Maison, ce « ticket » avec McCain, qui n’a plus tellement la patate depuis la défaite.

_ Dans le genre couple star, on lit des choses hallucinantes. Balkani prétend avoir couché avec Bardot dans les années… 60. Hm… Non, on n’a pas envie de savoir. Très sérieusement, quand l’on voit la photo des deux individus aujourd’hui… non, on n’a pas envie de savoir. Eh puis, c’est toujours facile de se vanter un demi-siècle après quand on est aussi sénile l’un que l’autre. On ne répètera jamais assez qu’il est préférable pour les superstars d’une époque de mourir au crépuscule de cette époque avant qu’une autre la remplace. Après on devient vieille et on ne parle plus qu’aux animaux.

_ Lu: Petite annonce :
« JF cherche homme mûr, mais pas trop. Hommes dégarnis au chéquier bien garni, bienvenus »

_ Entendu: Conversation :
« Tu lis quoi là ?
_ Là ? J’lis Les Misérables.
_ Pff ! C’est tellement 1802 »

_ Lu: Petit annonce :
« Cadre argenté cherche beau tableau pour mettre dedans »

_ Entendu: Conversation :
« C’est grand chez toi, j’aimerais bien visiter ?
_ Bah studio. Normal quoi, on se monte dessus.
_ Tu veux pas qu’on visite d’abord ? »

mardi 9 février 2010

Tombe la neige, ci-gît la mariée

Encore du blanc tombé du ciel ce matin, en flocons. Ma vie plan plan devient blanc blanc. La neige s’accroche à l’air, on dirait. Elle me rappelle ce soir d’été où deux amants buvaient du blanc côte-à-côté sur la banquette et côte d’agneaux dans leurs assiettes. C’était elle et lui. Ce fut toi et moi. Après le vin blanc vint le blanc de blanc. Et puis ce fut nous deux, seuls, dans le blanc des yeux. Partis déjà loin, loin du blanc de dinde. Puis aux Blancs manteaux, tu me revins, blanche colombe. Et l’air de rien, de toi à moi, de moi à toi. De banc public en banc public… on les publia, les bans. Ce jour d’été, un an plus tard la mariée était en blanc. Ce fut toi. Les chèques étaient en blanc aussi. Ce fut moi. Echanges d’alliances pour plus de confiance. Ce fut toi et moi. Un blanc seing à notre amour, dans cette église, au sein des saints. Ou déjà loin : le sable fin, rien n’était feint, le sable blanc, sans faire semblant. Comme nos semblables, tout simplement. Rue Blanche on emménagea. Curieusement tu disais qu’on déménageait. C’était déjà renoncer. Pourquoi la déballer, la blanche porcelaine, si dès l’instant d’après nous succombions à la faucheuse des amours vertes, l’insupportable litanie des habitudes ? Pourquoi ce chien ? Plus rantamplan que croc-blanc. Adieu au rêve. Les bancs publics sont déjà loin. Je ne sais pas bien quand tout ça a disparu. Tout ça c’est la colombe et puis le sable blanc qui devenu mouvant a bu mes souvenirs. Tes yeux sont toujours bleu, mais plus le même bleu. Quelque chose est parti, sans que je m’aperçoive. Etait-ce un cri ? Un cri silencieux, comme tous les cris qui viennent de loin. Cupidon a dû tiré à blanc. Un coup pour rien. Et on se tire. Sans la tirelire. Sans grand délire. Le blanc des yeux, monté en neige, est retombé, comme un soufflé, un camouflet à ta beauté. Celle-la même qui aurait dû m’accompagner jusqu’aux sombres ténèbres de nos vies évanouies. Et même là, sans respirer, loin de nos corps désintégrés, nous aurions dû l’étreinte poursuivre, dans la blanche lumière de l’infini. À jamais imprimée sur ma prunelle mordorée, ton image diaphane aurait dû -le pouvait-elle ?- m’accompagner à tout jamais dans un élan, un souffle long, interminable comme le fut ton baiser par ce doux soir d’été. Mais non. Non. Il n’a pu en être ainsi. Pourquoi ? Oh, mais parce qu’en fait t’es vraiment qu’une grosse connasse.

jeudi 4 février 2010

"Au coiffeur": Couper court... à toute conversation de Salon ?

« À la rigueur, oui alors à ce moment-là, on rallonge devant, on laque le côté et du coup on est tranquille pour tout l’arrière.
_ Oui… À la rigueur.
_ Ou alors, à la rigueur, ce que je peux faire c’est mécher l’avant, piquer le dessus et remonter toute la masse capillaire de l’arrière sur le dessus, en chignon. Et après je brushe le reste, à la main – (à l’ancienne).
_ Hmmm… ça nécessite réflexion quand même.
_ Ne craignez rien, c’est très courant, je fais ça tout le temps. À la rigueur, tenez, regardez c’est en une d’Ici Paris Et Maintenant Ici. Même Eva Longoria a choisi cette technique.
_ Eva Longoria est quand même une star internationale, c’est vrai.
_ Voyez. C’est affaire de 50 minutes pas plus. Et après, hop, vous filez sous les bacs. Et là c’est affaire de 3 heures maximum tout compris. 4 maxi, quoi, à la rigueur.
_ Mais il pleut dehors, tout va tomber à l’eau. À la rigueur il faut que j’achète aussi une charlotte pour que ça tienne.
_ Hmmm… ce serait peut-être plus prudent oui. Ou alors à la rigueur pour être tranquille je laque tout, et ça cimente l’ensemble. Bon bien sûr, on risque un petit effet casque. Mais en 2010, c’est le retour du playmobile. À la rigueur ça peut toujours faire son petit effet.
_ Allez, je vous fais confiance.
_ Allez, du coup je vous attaque »

C’est à peu près la conversation que j’eus à subir en attendant mon tour. Je préfère donner les éléments de contexte après le texte nu. Tout simplement parce que sinon, c’est insupportable. Mais il faut bien se représenter la coiffeuse. Ou le coiffeur… à la réflexion je ne sais plus bien. J’ai essayé de me remémorer la voix… mais en fait ça ne m’aide pas plus ; c’était une voix féminine, mais ça ne m’avance pas. En revanche, ce qui s’est imprimé pour le restant de mes jours, c’est cette expression « à la rigueur ». Je trouvais qu’il n’y avait rien de rigoureux ; rien de rien. Ni la construction des phrases, ni l’attitude. À ce propos, le masticage de chewing-gum est toujours du pire effet, mais là, je n’apprends rien à personne. Enfin personne de lettré.

Ce que j’aime chez le coiffeur, c’est le rythme, cadencé, ritualisé, immuable. Tout commence au définitif : « Bonjour, j’ai RDV ». C’est le top départ duquel tout découle. Ôtage des vêtements. Accrochage dans la penderie. Enfilage de l’espèce de chemise-de-nuit-satinée-sans-manche-qu’on-sait-jamais-si-on-la-met-par-devant-ou-par-derrière. Trajet jusqu’aux bacs. Intallation. Hop, petite serviette derrière la nuque. Basculement de la tête à 90°. Top, deuxième départ, le shampoing. Eau glacée. Eau brûlante. Et là la shampouineuse invente l’eau tiède (pas de sot métier). Shampoing glacé. Massage capillaire et testal. Même raté c’est un moment agréable. La zone est sensible, c’est comme ça, c’est comme ça. Hop derrière les oreilles. Rinçage (eau froide – dégoûté). Pour les plus chanceux (ou les plus crades), deuxième shampoing. Puis séchage avec un petite serviette rêche. Tordage de tête, mal à la nuque. Trajet jusqu’au trône, face miroir. Explication de la commande : « on coupe, mais on garde toute la longueur ». Coupe. Dissertation à l’orale : sujet : « les gens célèbres ont-ils plus ou moins de problèmes que nous ? ». Variante possible : « Qu’est-ce que tu fais pour les vacances ? ». Coupe. Apposition d’un miroir derrière la nuque pour demander au client impuissant s’il en est satisfait. Réponse par l’affirmative. Ôtage de la chemise-de-nuit-satinée-sans-manche-qu’on-sait-jamais-si-on-la-met-par-devant-ou-par-derrière. Retour par la case vestiaire. CB. Merci. Au revoir.

En quittant le lieu, je restai médusé devant le spectacle qui s’offrit à moi. Un coiffeur en faction préparait un feuilleté au saumon sur la tête d’une vieille dame. Rousse par ailleurs. Ca m’a scotché, ça m’a scié, ça m’a assis. Autant de papier d’allu sur la tête, j’avais jamais vu. Il paraît qu’après ils la passent au four. On m’a dit que c’était en fait pour les mèches et que ça n’avait rien à voir avec un feuilleté au saumon (fut-ce l’odeur). J’étais rassuré. Je partis soulagé, le cheveu léger, la cervelle reposée.

mercredi 3 février 2010

Quête du Graal. Episode I.

Je me souviens quand j’étais petit, en colonie, y’a un de nos moniteurs qui avait perdu sa montre Boss lors d’une ballade en forêt. Il était plutôt mécontent, pour le dire poliment. Alors le lendemain on avait tous refait le même trajet et il nous avait dit de regarder un peu par terre si toutefois on ne retrouvait pas sa putain de montre. Alors on s’était tous mis en ligne, et on avait marché, marché. Les plus téméraires remuaient tous les fourrés des fois que ladite montre s’y fut fourrée. Les plus fainéants regardaient leurs chaussures en avançant et faisaient mine d’écarter trois branchages lorsque le moniteur s’approchait. Face à l’échec de nos recherches le pauvre homme déballa l’artillerie lourde et nous sortit une carotte plus grosse que lui. Ce que je veux dire par là c’est qu’il promit une récompense à qui trouverait son cher bijou de famille. Enfin, ce que je veux dire par là c’est qu’il a trouvé un moyen imparable pour motiver ses jeunes troupes. Qui retrouverait sa montre serait récompensé d’un cadeau. Et c’est là que le bât blesse. Alors que nous bavions tous en attendant de savoir de quoi il retournait, eh bien il ne retourna de rien de bien follichon. Pour tout trophée à de nombreuses heures de recherche, l’heureux gagnant se voyait offrir deux boules de glace.

Voilà ! Fin de l’histoire. Je peux juste vous dire que 99% des 13 enfants qui composaient le groupe étaient ravis de cette arnaque. Il n’y eut que moi pour ruminer intérieurement combien je trouvais la récompense incommensurablement minable au regard de l’enjeu qui se montait à plusieurs centaines de francs français. Oui c’étaient des francs à l’époque. Ah, et tiens ! Puisque nous y sommes. Petit point technique avant de poursuivre. N’essayez pas de vous livrer à un produit en croix mêlant 99, 100 et 13. Vous ne parviendrez pas à un nombre rond d’enfants. C’était histoire de donner un ordre de grandeur dans l’absurdité de la chose. Etais-je le seul à penser cela, ou bien est-ce que tous les autres enfants le pensaient aussi et feignaient de sauter de joie pour je ne sais quelle raison… pour faire croire aux adultes qu’ils sont bien stupides et dociles. Mais tout de même, un instant de lucidité, merde. De nos yeux d'enfants... cette recherche de la montre magique, c'était d'une importance au moins égale à une quête de Graal. Or c'est bien plus que deux misérables boules qui étaient promises au Roi Arthur en cas de succès. Il s'agissait quand même de la vie éternelle, quoi. Alors merde. Fuck les deux boules. Les deux boules, pour le Roi Arthur, c'était une mise en bouche quoi, un vulgaire apéritif, pas une fin en soi. Nous on nous a vendu les deux boules comme l'aboutissement de la longue quête. Je suis désolé, mais non. Non!

Pourquoi cette histoire maintenant ? Quel rapport avec la choucroute ? Et quelle morale en tirer ? Eh bien tout ça pour dire que parfois on nous prend pour des cons et que comme personne ne le dit, on finit par se sentir seul et on se pose LA question qu’il ne faut jamais se poser.
Suis-je fou ou bien est-ce tout le monde autour de moi qui est fou ?
Cette question, autant que possible, il convient de la bannir de ses pensées. Elle est mortelle. Alors, devant la folie du monde, devant le tohu bohu post-moderne qui nous entraîne dans son délire, il nous faut quelqu’un/quelques uns pour dire en mots intelligibles ce qui se passe. C’est aussi simple que cela. Sans cela, face à l’absurdité du monde et face au silence de ses contemporains, la fourmi que nous sommes n’a plus qu’à se jeter du haut du trottoir…

mardi 2 février 2010

Comment enchaîner trois feux verts et gagner du temps !

Certains voient dans les rituels qui rythment nos vies quelque chose de rassurant. J’y vois quelque chose de profondément angoissant. Métro-boulot-dodo, une femme, deux enfants, un plan épargne retraite, une mutuelle, une sur-mutuelle, une assurance tout risque, des ennuis malgré ça, voire des grosses emmerdes, une nounou pour pouvoir aller au cinéma le samedi soir pendant que les gosses regardent Patrick Sébastien, une carte fidélité carrefour, un monospace Renault parce que c’est mieux pour l’industrie française, un crédit immobilier, un crédit auto, un crédit pour refaire la terrasse, un crédit pour payer le crédit… Une vie toute tracée en somme en plus d’être une vie à crédit. Parce qu’il ne faut pas se leurrer une fois que t’as tout payé les crédits bah… il ne te reste plus qu’à mourir. Et t’emportes pas ton F5 au paradis. Tout au plus as-tu la satisfaction de le laisser à tes mioches, les ingrats héritiers. Ils le revendront à la première occasion, en reverseront la moitié à l’Etat et utiliseront le reste pour partir au soleil et payer la pension alimentaire de leur ex-femme partie avec les gamins à la première engueulade venue. Oui car ils seront divorcés. Ah ! cette question de l’engagement… Comme si on ne pouvait pas faire des réunions de travail avec sa secrétaire à l’hôtel Ibis de Châteauroux de 14 à 15h… Et puis quelle idée de ne pas s’apercevoir qu’on était suivi depuis la sortie 18 de la N42 par une 205 louche. T’aurais pu le reconnaître ce type, c’est quand même ton beau-frère. Enfin c’était. Bref, tout ça pour dire qu’à la seconde où tu lui as passé la bague au doigt, tu mettais un pied dans la tombe. Au premier gosse, tu mettais le deuxième pied. Et au premier balbutiement du dernier bambin, tu avais de la terre jusqu’aux genoux, jusqu’aux hanches même. Façon sable mouvant. Le sable en moins.
Si l’on connaît la direction, quel intérêt de faire le voyage ? Au fil du temps qui passe, au mieux on est déçu (nos attentes sont toujours trop grandes !), au pire on est mort. Elle est belle l’alternative. Comment concevoir une existence où l’on passerait plus de temps avec ses collègues qu’avec les gens qu’on aime ? (D’où l’idée d’épouser sa secrétaire ?) Ou alors on ne vit que pour ces deux trois instants d’ivresse dans le semestre, à la discothèque de l’Amnesia de Joinville-le-Pont. D’une part c’est peu (et médiocre). D’autre part, comme son nom l’indique, on oublie aussitôt consommé. Donc zéro plus-value ! Fichtre !

Cela fait 3 mois maintenant que je fais le même parcours pour aller au boulot. Pardon de le dire ainsi, mais ce n’est plus possible. C’est juste mortel ce genre de chose. Mêmes heures, mêmes endroits, mêmes actions. Même but. Même trajet en sens inverse, le soir. Non, non, non. Entre le métro et l’entrée du travail il y a 3 rues à traverser. Ce qui veut dire 3 feux de signalisation. J’en suis à connaître par cœur la façon dont ils sont organisés. En gros (je vous résume), si j’ai le vert au premier, je l’ai aussi au second, mais j’attends un maximum au troisième (relou). Alors que si je passe à la fin du vert au premier, j’ai le rouge au second puis le vert (mais ric-rac) pour le troisième. Donc la solution à tout ça (tenez-vous bien et couchez les enfants), c’est de chopper le rouge au premier (oui le rouge, dès le départ), puis la fin du vert au deuxième et là banco, le troisième feu passera au vert PILE lorsque je mettrai le pied gauche sur la chaussée. Et dire que cela constitue une joie en soi. Non, pardon, désolé, mais moi je ne peux pas m’y résoudre. Certains choisissent de ne jamais se poser, c’est le cas du personnage interprété par George Clooney dans In the Air. D’autres choisissent la sur-sédentarité. Existe-t-il un juste milieu ?

Car la sur-sédentarité, merci bien ! Oh certains adorent. Ils sont rassurés par leur connaissance précise des paysages qu’ils traversent. Ils fendent un espace qui leur est familier et qui les épargne de toute mauvaise surprise. Oh, il y a bien quelques événements inattendus qui ponctuent leur trajet. Une merde qui barre le trottoir, une vieille au chignon rigolo, une plaque de verglas qui fait tomber un cycliste, un chauffeur de métro plus déprimant qu’à la normale, un clochard qui a changé de place, une vieille bourgeoise qui s’accroupit sur un trottoir pour mieux pouvoir se maquiller face à un rétroviseur de voiture. Il y a tout ça. Et c’est la seule façon de savoir que l’on ne vit pas EXACTEMENT la même journée qu’hier. Parce que parfois on en est rendu là. Le jour sans fin. Un enchaînement irrépressible d’événements connus. Moi il m’arrive de savoir exactement ce que va faire la demoiselle en face de moi dans le métro. À quelle station elle descend. Quel livre elle lit. Quel parfum elle porte. Elle va au travail aux mêmes heures que moi. C’est un pur hasard. Nous partageons 4 stations de métro à l’avant de la ligne une. Et j’en sais plus sur elle sans lui avoir jamais adressé la parole que sur tant d’autres à qui je parle. Par ailleurs, l’envie de lui parler est totalement absente. Pour se dire quoi ? Pour être convivial ? Et si elle n’était pas du matin, elle serait désagréable. Peut-on s’adresser à autrui sans motif valable ? Sans cause à défendre ? Sans idée derrière la tête ? De manière désintéressée ! Simplement pour dire bonjour. Pour dire, tiens, voilà, nous sommes à côté et parlons la même langue alors… parlons. Je crains que non. À quoi bon ? Et pour ceux qui ne sont pas musicien, ni écrivain et qui ont quand même des choses à dire. Ils sont nombreux. Comment font-il ? Les rockeurs sans guitare, les poètes à la feuille blanche… corps sans âme ? Autant jouer du violon dans le désert, au moins la musique qui en sort s’envole et on peut toujours avoir l’espoir que quelqu’un l’entendra par delà les vents. À Paris, tout le monde court (vers où ?) et t’as beau crier, personne ne prendra le temps de se mettre en retard pour t’écouter.

lundi 1 février 2010

Musique: Sourire sous la pluie Vs. Pleurer au soleil

Dans Rain, sa dernière sonate, le compositeur-(auteur-interprête) Michael Holbrook Penniman, Jr. (alias Mika), (prononcé Mikaaaaa), nous le dit tout net. Il n’aime pas quand il pleut. Mais alors pas du tout, du tout, du tout. Je vais laisser parler un peu le texte avant de reprendre la main :

« Baby, I hate days like this
When it Rain and Rain, it Rain and Rains
When it Rain and Rain, it Rain and Rains
When it Rain and Rain, it Rain and Rains
When it Rain and Rain, it Rain and Rains
More than this
Baby, I hate days like »

Loin de moi l’idée de procéder à une acide analyse du texte sous forme de douche froide. Tout est limpide comme de l’eau de roche ; l’idée sous-jacente surnage. Mieux ! Elle coule de source. La pluie pourrit nos vies. Sous la pluie, point de lumière, et guère d’espoir… tout est noir !

Why does it always rain on me, Travis
I can’t stand the rain, (mondialement reprise par) Tina Turner
November Rain, Guns & Roses
Purple Rain, Prince

Une petite fille, Claude Nougaro :
"Une petite fille en pleurs
Dans une ville en pluie
Et moi qui cours après
Et moi qui cours après
Au milieu de la nuit"

Gare de Lyon, Barbara :
« Paris, sous la pluie
Me lasse et m'ennuie.
La Seine est plus grise
Que la Tamise. »

Pierre, barbara:
« Sur les roses de la nuit
Il pleut des larmes de pluie.
Il pleut »

Pour rendre totalement justice à Pierre, on rappellera que Barbara dit aussi dans la chanson « Oh mon dieu que c’est joli, la pluie ». C’est là que ça devient intéressant. L’environnement météorologique est hostile, mais, comme un pied de nez, on s’évertue à être heureux. C’est un peu comme vivre une grande histoire d’amour en plein hiver. Tout nous en empêche, et pourtant, rien ne nous l’interdit. D’ailleurs la Saint Valentin approche alors pensez-y, il n’est pas encore trop tard. En y réfléchissant un peu, le choix de la date de la Saint Valentin -à la fin de l’hiver- n’est probablement pas anodin. Il s’agit de donner un objectif clair à tout un chacun. Le discours officiel dit : l’hiver sera froid, mais trouvez-vous QUAND MÊME quelqu’un pour le 14 février, sous peine d’être un célib’-à-terre. Ou pire ! Devenant la risée de vos amis qui n’oseront plus évoquer votre nom en société, vous serez un célib’-à-taire… Alors à vous de triompher de l’hiver comme Gene Kelly, amoureux, qui se rit des caprices du ciel dans Singing in the Rain ; comme les Weather Girls qui remplacent les gouttes par des mecs : It’s raining men ; ou comme Jermaine Jackson qui décrit ce qu’il ressent alors que la pluie commence à tomber : Il propose ni plus ni moins à sa partenaire de chevaucher son « arc-en-ciel » dans les cieux (voilà une attitude volontariste, nom d'une pipe) :
« And when the rain begins to fall
you'll ride my rainbow in the sky »

À l’inverse, source intarissable pour les songwriters, le soleil n’en finit pas de nous… inonder de bonheur :
Here comes the sun, The Beatles
Sea sex and sun, Serge Gainsbourg
Let the sunshine in, Hair
Sunny, Boney M

Et si on entre dans le cœur des chansons, c’est la même chose :
Emmenez moi, Charles Aznavour :
« Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil »

Mon légionnaire, de Gainsbourg :
« Qu'on s'en irait seuls tous les deux
Dans quelques pays merveilleux plein de lumière! »

L’idée c’est quand même de se casser sous les tropiques à chaque fois. Pour y faire quoi on l’ignore. Mais pour au moins voir la lumière du jour. Pourtant, le légionnaire a pris la tangente : « Il est parti dans le matin plein de lumière! ». Sans crier gare, ni rien. Sans que Serge ait pu lui avouer un Stevie-Wonderien : « you are the sunshine of my life » (Serge avait peur de le voir sourire). Dès lors, il n’y a plus qu’à rester dans le souvenir gainsbourien :
« Il y avait du soleil sur son front
Qui mettait dans ses cheveux blonds
De la lumière ! »

Conclusion :
Quand l’être aimé devient soleil, alors on peut aimer en hiver.



PS : Un couplet de Mon légionnaire en cadeau-bonus :

« Bonheur perdu, bonheur enfui
Toujours je pense à cette nuit
Et l'envie de sa peau me ronge
Parfois je pleure et puis je songe
Que lorsqu'il était sur mon coeur
J'aurais dû crier mon bonheur...
Mais je n'ai rien osé lui dire
J'avais peur de le voir sourire! »

mercredi 27 janvier 2010

Aujourd'hui, j'ai vu

Aujourd'hui j'ai vu Noël Mamère en vélo s'arrêter à un feu rouge
et je me suis dit que finalement tous n'étaient pas pourris, puis ça m'a passé
Aujourd'hui j'ai vu un homme avec des cheveux vert pomme retirer des billets au DAB
et je me suis dit que DAB était une drôle d'abréviation
Aujourd'hui j'ai vu un aveugle choisir des chaussures en soldes
et je me suis dit qu'en deuxième démarque, vu le prix, on avait le droit à l'erreur
Aujourd'hui j'ai vu un rat courir sur les rails du métro
et je me suis dit que c'était peut-être nous les rats et lui l'humain
Aujourd'hui j'ai vu deux personnes renoncer à entrer dans une rame de métro alors que le "bip" sonnait encore
et je me suis dit qu'il restait tout de même dans cette ville quelques personnes qui étaient moins pressées que les autres
Aujourd'hui j'ai vu une vieille dame très très vieille entrer dans une salle d'attente de docteur et clamer à la personne qui la suivait "viens maman"
et je me suis dit que parfois on pense être vieux et que non!, il y a encore plus vieux
Aujourd'hui j'ai vu Paris pleurer de froid
et je me suis dit que c'était rigolo tous ces panneaux municipaux avec écrit à minuit: 0° - 00:00
Aujourd'hui j'ai vu un oiseau s'arrêter de chanter parce qu'il a pris conscience qu'il chantait pour rien
et je me suis dit qu'il est des choses belles qu'on se doit de faire, simplement pour la beauté du geste et l'amour de l'art
Aujourd'hui j'ai vu une personne trépigner dans le froid en cherchant le code d'entrée à composer sur le digicode
et je me suis dit que certaines personnes ne connaissaient aucun digicode et ne trépignaient plus, mais simplement déroulent leur malheur sur un carton
Aujourd'hui j'ai vu un clown en tenue dans la rue
et ça m'a fait rire
Il parlait des choses qu'il voyait et je me suis dit qu'il ne les voyait pas comme je les vois et que au moins lui, il amusait les gens avec sa vision du monde, quand d'autres nous ennuient tant avec la leur.

lundi 25 janvier 2010

Beautés... destins...

25 janvier 2010, le premier jour du reste de ma vie

En ce jour où tout commence, je parlerai de tout sauf de la reprise en main de ma destinée.

Nous sommes un lundi. Depuis quelques jours, une armée de mannequins à la beauté débile remuent leur quille jour et nuit, un peu partout. Surtout dans les beaux quartiers. Pris séparément ou noyés dans un groupe de « gens normaux », on ne les verrait guère. Mais là, attroupés, migrant en banc, buvant en troupeau, ils n’échappent pas à notre attention. Ils ont la démarche chaloupée, la jambe légère, le teint diaphane. Oh, bien sûr les traits sont droits, la peau immaculée, les yeux sont grands. Tout renvoie aux critères actuels de la beauté et de la jeunesse tels que les créateurs de mode se les représentent. Le plus fascinant reste tout de même cet incroyable don pour capter la lumière et la restituer dans un halo christique. On leur donnerait le bon dieu en confession. Et on leur donnerait bien davantage d’ailleurs. Oh, il serait facile de gloser sur leur prétendue bêtise. Il est confortable de s’imaginer que le bon dieu (justement lui) donnerait à chacun alternativement beauté ou intelligence ou aucun de deux, mais jamais les deux. Ce serait ignorer que l’essentiel n’est pas donné d’avance et résulte de l’interaction qui opère (ou pas) entre deux êtres et que d’aucuns appellent le charme. Certains n’ont rien, d’autres ont tout. D’autres ont rien puis tout. D’autres ont tout puis rien. Et dans tout les cas, tout le monde finit par ne plus rien avoir. D’aucuns appellent ça la mort…

On parle de beauté et de mort. Alors oui ce sont deux concepts incompatibles. On peut avoir l’un puis l’autre, mais jamais l’un et l’autre. En la matière le temps est un ennemi plus qu’un allié. À chacun sa limite… c’est le fameux « à partir de 30 ans c’est le début de la fin ». On notera au passage que ladite limite est repoussée au fil des ans et des décennies comme un horizon que l’on atteint jamais. Ou plutôt comme un horizon que l’on sait avoir dépassé que longtemps après l’avoir dépassé. Rares sont les grands-mères qui estiment à 70 ans qu’elles sont en pleine force de l’âge. Et voyez au passage comment je dis grand-mère et pas vieille dame dans un but d’attendrissement. Je revois la femme à son rôle maternel et même grand maternel. Tout ceci est probablement extrêmement subversif. Peut-être opéré-je un retour en arrière en matière d’émancipation de la femme. D’ailleurs là encore, c’est la même chose, l’horizon n’est jamais atteint…

Je perds le fil de mon semblant de propos…

Mannequins… beauté… mort… Forcément ça évoque BB. La Bardot qu’on voit dévaler comme une tigresse dans un couloir, armée d’une laisse pour chien avec chien au bout. Et qu’on voit tomber dans le bras de Gainsbourg. Je parle ici bien sûr du film de Joann Sfar sur le grand Serge. Tout n’est pas réussi dans ce film. (Mais tout peut-il toujours l’être ?). Il apparaît parfois comme décousu. Qu’importe. Scène après scène, nos sens adhèrent à la poésie écorchée de Gainsbourg. Gainsbourg qui plaisait autant aux bourgeois qu’aux cochons, autant à l’étudiant dans sa chambre de bonne qu’au père de famille dans son 5 pièces-cuisine. Combien sont-ils ceux qui ont réussi à plaire au grand nombre en restant entier, en restant eux-mêmes. Ne tombons pas dans l’angélisme imbécile, mais affirmons ce qui est : ce qui manque le plus à notre époque c’est exactement ça. Une figure, ou des figures qui s’expriment dans le génie de leur art et qui disent les choses, telles qu’elles les perçoivent, sans craindre la critique, sans avoir peur des conséquences. Une civilisation du risque zéro est une civilisation de l’amusement zéro. « Va vers ton risque… ».

Et si ce risque, cette tension intérieure… si ce tourbillon créateur est un abîme de douleur, eh bien soit. Dieu merci, rien n’a retenu Depeche Mode de se laisser aller à ce sombre tourment. On était 17 000 le 21 janvier dernier à leur crier notre amour. Eux ont jouer leurs morceaux, simplement, mais fortement. Dave Gahan a fait ce qu’il a pu avec son organe vocal : addictions passées, avancement de la tournée et age n’ont pas aidé à propulser une voix limpide sous les hauts volumes de Bercy. Peu importe. Pour la voix on a eu de belles ballades interprêtées par Martin Gore. Eh puis le grand Dave (pas celui de Vanina, hein ?, l’autre), eh bien oui, le grand Dave Gahan, sur Enjoy the silence n’a même pas eu à chanter les refrains... son public s’en est chargé pour lui. Il est fidèle et connaisseur ce public qui goûte chaque chanson à sa juste valeur. L’apothéose attendue parvient tard, au moment du bouquet final, au moment des rappels. Ils terminent par un magnifique Personal Jesus, mais avant cela, ils entonnent un hypnotique Behind the Wheel. Qu’on m’arrête tout de suite. Que quelqu’un vienne soulever ma plume. Je pourrai en parler des heures de cette chanson. Et après ces heures de palabres, que resterait-il ? Il ne resterait rien. Il faut simplement l’entendre et même l’écouter cette chanson. Comme tout chef d’œuvre, elle est hors du temps. Elle se termine comme elle commence. Elle est une chanson sans fin, un cycle ininterrompu. Une force de la nature. Inarrêtable. Et pourquoi voudrait-on l’arrêter ? Moi je ne l’ai pas arrêtée en tout cas. A tel point qu’elle semble couler dans mes veines aujourd’hui… D’aucuns (toujours les mêmes), me diront que je risque l’over-dose. Et je répondrai bien évidemment que oui. Et que je vais vers mon risque. Parce que c’est la seule façon de vivre. Assis dans un fauteuil Louis XV, on ne vit pas, on meurt les yeux ouverts. Et l’on ne prend conscience de son agonie que lorsqu’elle parvient à son terme, ou même peut-être qu’une fois au-delà. C’est le même horizon qui avance, avance, avance jusqu’à ce qu’on réalise qu’il est derrière.

La question ne réside pas dans la vitesse de notre marche. On peut courir vers son horizon. On peut marcher vers lui. On peut parvenir à le dépasser et à vivre sa vie comme un rêve éveillé. On peut n’y parvenir pas. L’essentiel réside dans ce vers quoi l’on porte son regard. Au fond le vers de terre qui aura pris le temps de lever les yeux vers l’étoile de ses rêves ne sera-t-il pas plus heureux que la belle étoile qui aura passé sa vie à regarder sa branche cassée?