lundi 25 janvier 2010

Beautés... destins...

25 janvier 2010, le premier jour du reste de ma vie

En ce jour où tout commence, je parlerai de tout sauf de la reprise en main de ma destinée.

Nous sommes un lundi. Depuis quelques jours, une armée de mannequins à la beauté débile remuent leur quille jour et nuit, un peu partout. Surtout dans les beaux quartiers. Pris séparément ou noyés dans un groupe de « gens normaux », on ne les verrait guère. Mais là, attroupés, migrant en banc, buvant en troupeau, ils n’échappent pas à notre attention. Ils ont la démarche chaloupée, la jambe légère, le teint diaphane. Oh, bien sûr les traits sont droits, la peau immaculée, les yeux sont grands. Tout renvoie aux critères actuels de la beauté et de la jeunesse tels que les créateurs de mode se les représentent. Le plus fascinant reste tout de même cet incroyable don pour capter la lumière et la restituer dans un halo christique. On leur donnerait le bon dieu en confession. Et on leur donnerait bien davantage d’ailleurs. Oh, il serait facile de gloser sur leur prétendue bêtise. Il est confortable de s’imaginer que le bon dieu (justement lui) donnerait à chacun alternativement beauté ou intelligence ou aucun de deux, mais jamais les deux. Ce serait ignorer que l’essentiel n’est pas donné d’avance et résulte de l’interaction qui opère (ou pas) entre deux êtres et que d’aucuns appellent le charme. Certains n’ont rien, d’autres ont tout. D’autres ont rien puis tout. D’autres ont tout puis rien. Et dans tout les cas, tout le monde finit par ne plus rien avoir. D’aucuns appellent ça la mort…

On parle de beauté et de mort. Alors oui ce sont deux concepts incompatibles. On peut avoir l’un puis l’autre, mais jamais l’un et l’autre. En la matière le temps est un ennemi plus qu’un allié. À chacun sa limite… c’est le fameux « à partir de 30 ans c’est le début de la fin ». On notera au passage que ladite limite est repoussée au fil des ans et des décennies comme un horizon que l’on atteint jamais. Ou plutôt comme un horizon que l’on sait avoir dépassé que longtemps après l’avoir dépassé. Rares sont les grands-mères qui estiment à 70 ans qu’elles sont en pleine force de l’âge. Et voyez au passage comment je dis grand-mère et pas vieille dame dans un but d’attendrissement. Je revois la femme à son rôle maternel et même grand maternel. Tout ceci est probablement extrêmement subversif. Peut-être opéré-je un retour en arrière en matière d’émancipation de la femme. D’ailleurs là encore, c’est la même chose, l’horizon n’est jamais atteint…

Je perds le fil de mon semblant de propos…

Mannequins… beauté… mort… Forcément ça évoque BB. La Bardot qu’on voit dévaler comme une tigresse dans un couloir, armée d’une laisse pour chien avec chien au bout. Et qu’on voit tomber dans le bras de Gainsbourg. Je parle ici bien sûr du film de Joann Sfar sur le grand Serge. Tout n’est pas réussi dans ce film. (Mais tout peut-il toujours l’être ?). Il apparaît parfois comme décousu. Qu’importe. Scène après scène, nos sens adhèrent à la poésie écorchée de Gainsbourg. Gainsbourg qui plaisait autant aux bourgeois qu’aux cochons, autant à l’étudiant dans sa chambre de bonne qu’au père de famille dans son 5 pièces-cuisine. Combien sont-ils ceux qui ont réussi à plaire au grand nombre en restant entier, en restant eux-mêmes. Ne tombons pas dans l’angélisme imbécile, mais affirmons ce qui est : ce qui manque le plus à notre époque c’est exactement ça. Une figure, ou des figures qui s’expriment dans le génie de leur art et qui disent les choses, telles qu’elles les perçoivent, sans craindre la critique, sans avoir peur des conséquences. Une civilisation du risque zéro est une civilisation de l’amusement zéro. « Va vers ton risque… ».

Et si ce risque, cette tension intérieure… si ce tourbillon créateur est un abîme de douleur, eh bien soit. Dieu merci, rien n’a retenu Depeche Mode de se laisser aller à ce sombre tourment. On était 17 000 le 21 janvier dernier à leur crier notre amour. Eux ont jouer leurs morceaux, simplement, mais fortement. Dave Gahan a fait ce qu’il a pu avec son organe vocal : addictions passées, avancement de la tournée et age n’ont pas aidé à propulser une voix limpide sous les hauts volumes de Bercy. Peu importe. Pour la voix on a eu de belles ballades interprêtées par Martin Gore. Eh puis le grand Dave (pas celui de Vanina, hein ?, l’autre), eh bien oui, le grand Dave Gahan, sur Enjoy the silence n’a même pas eu à chanter les refrains... son public s’en est chargé pour lui. Il est fidèle et connaisseur ce public qui goûte chaque chanson à sa juste valeur. L’apothéose attendue parvient tard, au moment du bouquet final, au moment des rappels. Ils terminent par un magnifique Personal Jesus, mais avant cela, ils entonnent un hypnotique Behind the Wheel. Qu’on m’arrête tout de suite. Que quelqu’un vienne soulever ma plume. Je pourrai en parler des heures de cette chanson. Et après ces heures de palabres, que resterait-il ? Il ne resterait rien. Il faut simplement l’entendre et même l’écouter cette chanson. Comme tout chef d’œuvre, elle est hors du temps. Elle se termine comme elle commence. Elle est une chanson sans fin, un cycle ininterrompu. Une force de la nature. Inarrêtable. Et pourquoi voudrait-on l’arrêter ? Moi je ne l’ai pas arrêtée en tout cas. A tel point qu’elle semble couler dans mes veines aujourd’hui… D’aucuns (toujours les mêmes), me diront que je risque l’over-dose. Et je répondrai bien évidemment que oui. Et que je vais vers mon risque. Parce que c’est la seule façon de vivre. Assis dans un fauteuil Louis XV, on ne vit pas, on meurt les yeux ouverts. Et l’on ne prend conscience de son agonie que lorsqu’elle parvient à son terme, ou même peut-être qu’une fois au-delà. C’est le même horizon qui avance, avance, avance jusqu’à ce qu’on réalise qu’il est derrière.

La question ne réside pas dans la vitesse de notre marche. On peut courir vers son horizon. On peut marcher vers lui. On peut parvenir à le dépasser et à vivre sa vie comme un rêve éveillé. On peut n’y parvenir pas. L’essentiel réside dans ce vers quoi l’on porte son regard. Au fond le vers de terre qui aura pris le temps de lever les yeux vers l’étoile de ses rêves ne sera-t-il pas plus heureux que la belle étoile qui aura passé sa vie à regarder sa branche cassée?

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