vendredi 26 février 2010

"Une Education", de Lone Scherfig

Jenny est anglaise, a 16 ans en 1961, est la fille unique d’un couple de parents sans histoire (à tous les sens du mot) qui ne rêvent que d’une chose : voir leur fille intégrer une Université d’Oxford. Parce que c’est quand même rassurant pour des parents. On la voit du coup s’y préparer jour et nuit, jusqu’à demander à son père quels « hobbies » elle doit avoir, en vue de l’oral d’entrée où il faudra faire bonne figure. Ainsi, elle joue du violoncelle dans un orchestre. La case « je suis sociable » étant remplie sur le CV, à quoi bon rester dans ce miteux orchestre ? Et son père de trancher : « Si tu en pars trop tôt, tu passeras pour une rebelle ». Jenny reste dans l’orchestre.

L’histoire bascule lorsqu’elle rencontre un type de deux fois son age qui, alors qu’il pleut, lui propose, avec toute la courtoisie qui sied à la situation, de la ramener chez elle. S’ensuit un marivaudage, un ravissement et tout un tas de péripéties classiques dans ce genre d’idylle romantique sans être mièvre (le mot « Paris » revient toutes les 10 minutes). En parfait gentleman, il la sort dans le monde, la fait voyager, lui parle peinture, musique…

Voilà un film d’époque tout à fait délicieux et agréablement surprenant... À 16 ans et avec beaucoup de maurité, la jeune fille tente d’affronter des choix de vie déterminants. Ses parents sont vite dépassés par les événements et peinent à résister à la tentation de succomber aux sirènes de la stabilité qu’offre ce riche dandy trentenaire qui sait les amadouer.

16/20

Les WC

Il y a des mots comme ça qui, par leur simple énoncé, me font rire. Au risque de paraître trivial, je me risque avec l’un d’entre eux, j’ai nommé les WC. La juxtaposition de ces deux lettres si différentes et si alphabétiquement éloignées ne peut que provoquer l’hilarité chez son lecteur. Ce « double-V » a déjà du mal à ressembler à quelque chose lorsqu’il est seul. Mais alors quand il vient se coller au « C » comme ça, en toute vulgarité… Enfin il y a pire. Il y a cette assonance : « vécé » qui est même systématiquement accentuée à l’orale lorsque l’on dit « les vécé ». « Où sont les vécé ? ». A t’entendre, « Dans ta bouche » a-t-on envie de répondre.

Syn. : Toilettes, Waters.
Mais aussi : Chiottes, « pipi-room » (pour les plus audacieux)

La semaine prochaine: PQ

mardi 23 février 2010

L’autre Dumas, de Safy Nebbou

Benoît (Poelvoorde) joue Auguste (Maquet), et Gérard (Depardieu) joue Alexandre (Dumas). Le premier est « l’autre Dumas, le nègre ». Le second est le premier Dumas, le vrai.

Le film est une réussite, du début à la fin et sur tous les plans, ce qui n’est malheureusement pas l’avis de toutes les critiques, qui ont apparemment pris la décision de ne plus jamais rien aimer de peur de passer un bon moment et de ne savoir pas comment gérer ce sentiment nouveau. Par ailleurs, un lundi à 22h25 nous n’étions que 7 aux Halles, dans une salle petite… curieux… Bref !

De quoi s’agit-il ? Auguste Maquet est un homme de l’ombre, à l’ombre du gigantesque et dantesque Dumas. Il n’est pas à proprement parler un nègre, il est beaucoup plus que ça. On va les suivre dans les semaines qui précèdent la révolution de 1848, alors que les deux écrivains s’attèlent à l’écriture parallèle d’une pièce et d’un roman.
Ils sont inséparables et irréconciliables.

Inséparables parce que, d’un côté, le Grand-Alexandre ne peut se passer de son « collaborateur » pour écrire ; et de l’autre, le trop sérieux Maquet ne peut se passer de son maître qui donne à la rigueur de son style la flamboyance nécessaire à tout succès littéraire.

Irréconciliables parce que les caractères s’opposent.
Dumas/Depardieu sort de lui-même, sort de l’écran, dévore tout ce qui passe : animaux, femmes, paysages… Il empoigne son désir et poursuit son chemin, comme un brise-glace qui fend la banquise-France selon sa vision, sans tergiverser à chaque centimètre pour savoir si le cap est bon. Il avance fort et juste, selon son intuition qui est toujours la bonne.
À l’inverse, Maquet/Poelvoorde est un travailleur plus appliqué, plus contraint, plus serré. Alors qu’il le voudrait, il ne parvient pas à sortir de ses gonds. Il se retient, il est fidèle et lorsqu’une passion amoureuse se dresse devant lui, il joue de maladresse, se prend les pieds dans le tapis entraînant dans sa chute un peu tout le monde, et même le régime politique. Et dieu sait que dans ce film le contexte historique est passionnant à observer, en toile de fond, par petites touches impressionnistes.

Ces histoires de nègres font toujours un peu fantasmer. Se dire que derrière l’histoire officielle, derrière la plume de tel ou tel il y a un oublié, un être talentueux, mais qui, pour mille raisons, n’accède pas au rang d’immortel de la littérature. Le sentiment de prendre part à une œuvre qu’il n’aurait probablement pas été capable d’initier se mêle à l’amère douleur du manque de reconnaissance. Maquet ne peut qu’être un wagon de la locomotive Dumas et Dumas ne peut avancer sans cet attelage. Peut-être le plus beau film qui soit sur le travail en équipe…

Pour le reste, tout est réussi : les costumes, les décors, la musique, la photo. Les personnages secondaires très bien servis. La réalisation est neutre ; ce n’est peut-être pas plus mal, ça n’entrave pas le déroulement du récit ni le plaisir complètement jouissif qu’il y a à observer notre Gérard national déployer tout son talent avec une déconcertante facilité.

jeudi 11 février 2010

Variations d’un plouc dès potron minet

_ Dès potron minet, la neige est belle, Paris pâlit.

_ Sarah Palin ? … pâlit aussi, de l’autre côté de l’atlantique. Drôle de tourbillon médiatique aussi débile qu’elle, la blanche américaine, gouverneure du candide Alaska à l’ours blanc et au noir pétrole. Drôle d’histoire que son histoire que cette course à la Blanche-Maison, ce « ticket » avec McCain, qui n’a plus tellement la patate depuis la défaite.

_ Dans le genre couple star, on lit des choses hallucinantes. Balkani prétend avoir couché avec Bardot dans les années… 60. Hm… Non, on n’a pas envie de savoir. Très sérieusement, quand l’on voit la photo des deux individus aujourd’hui… non, on n’a pas envie de savoir. Eh puis, c’est toujours facile de se vanter un demi-siècle après quand on est aussi sénile l’un que l’autre. On ne répètera jamais assez qu’il est préférable pour les superstars d’une époque de mourir au crépuscule de cette époque avant qu’une autre la remplace. Après on devient vieille et on ne parle plus qu’aux animaux.

_ Lu: Petite annonce :
« JF cherche homme mûr, mais pas trop. Hommes dégarnis au chéquier bien garni, bienvenus »

_ Entendu: Conversation :
« Tu lis quoi là ?
_ Là ? J’lis Les Misérables.
_ Pff ! C’est tellement 1802 »

_ Lu: Petit annonce :
« Cadre argenté cherche beau tableau pour mettre dedans »

_ Entendu: Conversation :
« C’est grand chez toi, j’aimerais bien visiter ?
_ Bah studio. Normal quoi, on se monte dessus.
_ Tu veux pas qu’on visite d’abord ? »

mardi 9 février 2010

Tombe la neige, ci-gît la mariée

Encore du blanc tombé du ciel ce matin, en flocons. Ma vie plan plan devient blanc blanc. La neige s’accroche à l’air, on dirait. Elle me rappelle ce soir d’été où deux amants buvaient du blanc côte-à-côté sur la banquette et côte d’agneaux dans leurs assiettes. C’était elle et lui. Ce fut toi et moi. Après le vin blanc vint le blanc de blanc. Et puis ce fut nous deux, seuls, dans le blanc des yeux. Partis déjà loin, loin du blanc de dinde. Puis aux Blancs manteaux, tu me revins, blanche colombe. Et l’air de rien, de toi à moi, de moi à toi. De banc public en banc public… on les publia, les bans. Ce jour d’été, un an plus tard la mariée était en blanc. Ce fut toi. Les chèques étaient en blanc aussi. Ce fut moi. Echanges d’alliances pour plus de confiance. Ce fut toi et moi. Un blanc seing à notre amour, dans cette église, au sein des saints. Ou déjà loin : le sable fin, rien n’était feint, le sable blanc, sans faire semblant. Comme nos semblables, tout simplement. Rue Blanche on emménagea. Curieusement tu disais qu’on déménageait. C’était déjà renoncer. Pourquoi la déballer, la blanche porcelaine, si dès l’instant d’après nous succombions à la faucheuse des amours vertes, l’insupportable litanie des habitudes ? Pourquoi ce chien ? Plus rantamplan que croc-blanc. Adieu au rêve. Les bancs publics sont déjà loin. Je ne sais pas bien quand tout ça a disparu. Tout ça c’est la colombe et puis le sable blanc qui devenu mouvant a bu mes souvenirs. Tes yeux sont toujours bleu, mais plus le même bleu. Quelque chose est parti, sans que je m’aperçoive. Etait-ce un cri ? Un cri silencieux, comme tous les cris qui viennent de loin. Cupidon a dû tiré à blanc. Un coup pour rien. Et on se tire. Sans la tirelire. Sans grand délire. Le blanc des yeux, monté en neige, est retombé, comme un soufflé, un camouflet à ta beauté. Celle-la même qui aurait dû m’accompagner jusqu’aux sombres ténèbres de nos vies évanouies. Et même là, sans respirer, loin de nos corps désintégrés, nous aurions dû l’étreinte poursuivre, dans la blanche lumière de l’infini. À jamais imprimée sur ma prunelle mordorée, ton image diaphane aurait dû -le pouvait-elle ?- m’accompagner à tout jamais dans un élan, un souffle long, interminable comme le fut ton baiser par ce doux soir d’été. Mais non. Non. Il n’a pu en être ainsi. Pourquoi ? Oh, mais parce qu’en fait t’es vraiment qu’une grosse connasse.

jeudi 4 février 2010

"Au coiffeur": Couper court... à toute conversation de Salon ?

« À la rigueur, oui alors à ce moment-là, on rallonge devant, on laque le côté et du coup on est tranquille pour tout l’arrière.
_ Oui… À la rigueur.
_ Ou alors, à la rigueur, ce que je peux faire c’est mécher l’avant, piquer le dessus et remonter toute la masse capillaire de l’arrière sur le dessus, en chignon. Et après je brushe le reste, à la main – (à l’ancienne).
_ Hmmm… ça nécessite réflexion quand même.
_ Ne craignez rien, c’est très courant, je fais ça tout le temps. À la rigueur, tenez, regardez c’est en une d’Ici Paris Et Maintenant Ici. Même Eva Longoria a choisi cette technique.
_ Eva Longoria est quand même une star internationale, c’est vrai.
_ Voyez. C’est affaire de 50 minutes pas plus. Et après, hop, vous filez sous les bacs. Et là c’est affaire de 3 heures maximum tout compris. 4 maxi, quoi, à la rigueur.
_ Mais il pleut dehors, tout va tomber à l’eau. À la rigueur il faut que j’achète aussi une charlotte pour que ça tienne.
_ Hmmm… ce serait peut-être plus prudent oui. Ou alors à la rigueur pour être tranquille je laque tout, et ça cimente l’ensemble. Bon bien sûr, on risque un petit effet casque. Mais en 2010, c’est le retour du playmobile. À la rigueur ça peut toujours faire son petit effet.
_ Allez, je vous fais confiance.
_ Allez, du coup je vous attaque »

C’est à peu près la conversation que j’eus à subir en attendant mon tour. Je préfère donner les éléments de contexte après le texte nu. Tout simplement parce que sinon, c’est insupportable. Mais il faut bien se représenter la coiffeuse. Ou le coiffeur… à la réflexion je ne sais plus bien. J’ai essayé de me remémorer la voix… mais en fait ça ne m’aide pas plus ; c’était une voix féminine, mais ça ne m’avance pas. En revanche, ce qui s’est imprimé pour le restant de mes jours, c’est cette expression « à la rigueur ». Je trouvais qu’il n’y avait rien de rigoureux ; rien de rien. Ni la construction des phrases, ni l’attitude. À ce propos, le masticage de chewing-gum est toujours du pire effet, mais là, je n’apprends rien à personne. Enfin personne de lettré.

Ce que j’aime chez le coiffeur, c’est le rythme, cadencé, ritualisé, immuable. Tout commence au définitif : « Bonjour, j’ai RDV ». C’est le top départ duquel tout découle. Ôtage des vêtements. Accrochage dans la penderie. Enfilage de l’espèce de chemise-de-nuit-satinée-sans-manche-qu’on-sait-jamais-si-on-la-met-par-devant-ou-par-derrière. Trajet jusqu’aux bacs. Intallation. Hop, petite serviette derrière la nuque. Basculement de la tête à 90°. Top, deuxième départ, le shampoing. Eau glacée. Eau brûlante. Et là la shampouineuse invente l’eau tiède (pas de sot métier). Shampoing glacé. Massage capillaire et testal. Même raté c’est un moment agréable. La zone est sensible, c’est comme ça, c’est comme ça. Hop derrière les oreilles. Rinçage (eau froide – dégoûté). Pour les plus chanceux (ou les plus crades), deuxième shampoing. Puis séchage avec un petite serviette rêche. Tordage de tête, mal à la nuque. Trajet jusqu’au trône, face miroir. Explication de la commande : « on coupe, mais on garde toute la longueur ». Coupe. Dissertation à l’orale : sujet : « les gens célèbres ont-ils plus ou moins de problèmes que nous ? ». Variante possible : « Qu’est-ce que tu fais pour les vacances ? ». Coupe. Apposition d’un miroir derrière la nuque pour demander au client impuissant s’il en est satisfait. Réponse par l’affirmative. Ôtage de la chemise-de-nuit-satinée-sans-manche-qu’on-sait-jamais-si-on-la-met-par-devant-ou-par-derrière. Retour par la case vestiaire. CB. Merci. Au revoir.

En quittant le lieu, je restai médusé devant le spectacle qui s’offrit à moi. Un coiffeur en faction préparait un feuilleté au saumon sur la tête d’une vieille dame. Rousse par ailleurs. Ca m’a scotché, ça m’a scié, ça m’a assis. Autant de papier d’allu sur la tête, j’avais jamais vu. Il paraît qu’après ils la passent au four. On m’a dit que c’était en fait pour les mèches et que ça n’avait rien à voir avec un feuilleté au saumon (fut-ce l’odeur). J’étais rassuré. Je partis soulagé, le cheveu léger, la cervelle reposée.

mercredi 3 février 2010

Quête du Graal. Episode I.

Je me souviens quand j’étais petit, en colonie, y’a un de nos moniteurs qui avait perdu sa montre Boss lors d’une ballade en forêt. Il était plutôt mécontent, pour le dire poliment. Alors le lendemain on avait tous refait le même trajet et il nous avait dit de regarder un peu par terre si toutefois on ne retrouvait pas sa putain de montre. Alors on s’était tous mis en ligne, et on avait marché, marché. Les plus téméraires remuaient tous les fourrés des fois que ladite montre s’y fut fourrée. Les plus fainéants regardaient leurs chaussures en avançant et faisaient mine d’écarter trois branchages lorsque le moniteur s’approchait. Face à l’échec de nos recherches le pauvre homme déballa l’artillerie lourde et nous sortit une carotte plus grosse que lui. Ce que je veux dire par là c’est qu’il promit une récompense à qui trouverait son cher bijou de famille. Enfin, ce que je veux dire par là c’est qu’il a trouvé un moyen imparable pour motiver ses jeunes troupes. Qui retrouverait sa montre serait récompensé d’un cadeau. Et c’est là que le bât blesse. Alors que nous bavions tous en attendant de savoir de quoi il retournait, eh bien il ne retourna de rien de bien follichon. Pour tout trophée à de nombreuses heures de recherche, l’heureux gagnant se voyait offrir deux boules de glace.

Voilà ! Fin de l’histoire. Je peux juste vous dire que 99% des 13 enfants qui composaient le groupe étaient ravis de cette arnaque. Il n’y eut que moi pour ruminer intérieurement combien je trouvais la récompense incommensurablement minable au regard de l’enjeu qui se montait à plusieurs centaines de francs français. Oui c’étaient des francs à l’époque. Ah, et tiens ! Puisque nous y sommes. Petit point technique avant de poursuivre. N’essayez pas de vous livrer à un produit en croix mêlant 99, 100 et 13. Vous ne parviendrez pas à un nombre rond d’enfants. C’était histoire de donner un ordre de grandeur dans l’absurdité de la chose. Etais-je le seul à penser cela, ou bien est-ce que tous les autres enfants le pensaient aussi et feignaient de sauter de joie pour je ne sais quelle raison… pour faire croire aux adultes qu’ils sont bien stupides et dociles. Mais tout de même, un instant de lucidité, merde. De nos yeux d'enfants... cette recherche de la montre magique, c'était d'une importance au moins égale à une quête de Graal. Or c'est bien plus que deux misérables boules qui étaient promises au Roi Arthur en cas de succès. Il s'agissait quand même de la vie éternelle, quoi. Alors merde. Fuck les deux boules. Les deux boules, pour le Roi Arthur, c'était une mise en bouche quoi, un vulgaire apéritif, pas une fin en soi. Nous on nous a vendu les deux boules comme l'aboutissement de la longue quête. Je suis désolé, mais non. Non!

Pourquoi cette histoire maintenant ? Quel rapport avec la choucroute ? Et quelle morale en tirer ? Eh bien tout ça pour dire que parfois on nous prend pour des cons et que comme personne ne le dit, on finit par se sentir seul et on se pose LA question qu’il ne faut jamais se poser.
Suis-je fou ou bien est-ce tout le monde autour de moi qui est fou ?
Cette question, autant que possible, il convient de la bannir de ses pensées. Elle est mortelle. Alors, devant la folie du monde, devant le tohu bohu post-moderne qui nous entraîne dans son délire, il nous faut quelqu’un/quelques uns pour dire en mots intelligibles ce qui se passe. C’est aussi simple que cela. Sans cela, face à l’absurdité du monde et face au silence de ses contemporains, la fourmi que nous sommes n’a plus qu’à se jeter du haut du trottoir…

mardi 2 février 2010

Comment enchaîner trois feux verts et gagner du temps !

Certains voient dans les rituels qui rythment nos vies quelque chose de rassurant. J’y vois quelque chose de profondément angoissant. Métro-boulot-dodo, une femme, deux enfants, un plan épargne retraite, une mutuelle, une sur-mutuelle, une assurance tout risque, des ennuis malgré ça, voire des grosses emmerdes, une nounou pour pouvoir aller au cinéma le samedi soir pendant que les gosses regardent Patrick Sébastien, une carte fidélité carrefour, un monospace Renault parce que c’est mieux pour l’industrie française, un crédit immobilier, un crédit auto, un crédit pour refaire la terrasse, un crédit pour payer le crédit… Une vie toute tracée en somme en plus d’être une vie à crédit. Parce qu’il ne faut pas se leurrer une fois que t’as tout payé les crédits bah… il ne te reste plus qu’à mourir. Et t’emportes pas ton F5 au paradis. Tout au plus as-tu la satisfaction de le laisser à tes mioches, les ingrats héritiers. Ils le revendront à la première occasion, en reverseront la moitié à l’Etat et utiliseront le reste pour partir au soleil et payer la pension alimentaire de leur ex-femme partie avec les gamins à la première engueulade venue. Oui car ils seront divorcés. Ah ! cette question de l’engagement… Comme si on ne pouvait pas faire des réunions de travail avec sa secrétaire à l’hôtel Ibis de Châteauroux de 14 à 15h… Et puis quelle idée de ne pas s’apercevoir qu’on était suivi depuis la sortie 18 de la N42 par une 205 louche. T’aurais pu le reconnaître ce type, c’est quand même ton beau-frère. Enfin c’était. Bref, tout ça pour dire qu’à la seconde où tu lui as passé la bague au doigt, tu mettais un pied dans la tombe. Au premier gosse, tu mettais le deuxième pied. Et au premier balbutiement du dernier bambin, tu avais de la terre jusqu’aux genoux, jusqu’aux hanches même. Façon sable mouvant. Le sable en moins.
Si l’on connaît la direction, quel intérêt de faire le voyage ? Au fil du temps qui passe, au mieux on est déçu (nos attentes sont toujours trop grandes !), au pire on est mort. Elle est belle l’alternative. Comment concevoir une existence où l’on passerait plus de temps avec ses collègues qu’avec les gens qu’on aime ? (D’où l’idée d’épouser sa secrétaire ?) Ou alors on ne vit que pour ces deux trois instants d’ivresse dans le semestre, à la discothèque de l’Amnesia de Joinville-le-Pont. D’une part c’est peu (et médiocre). D’autre part, comme son nom l’indique, on oublie aussitôt consommé. Donc zéro plus-value ! Fichtre !

Cela fait 3 mois maintenant que je fais le même parcours pour aller au boulot. Pardon de le dire ainsi, mais ce n’est plus possible. C’est juste mortel ce genre de chose. Mêmes heures, mêmes endroits, mêmes actions. Même but. Même trajet en sens inverse, le soir. Non, non, non. Entre le métro et l’entrée du travail il y a 3 rues à traverser. Ce qui veut dire 3 feux de signalisation. J’en suis à connaître par cœur la façon dont ils sont organisés. En gros (je vous résume), si j’ai le vert au premier, je l’ai aussi au second, mais j’attends un maximum au troisième (relou). Alors que si je passe à la fin du vert au premier, j’ai le rouge au second puis le vert (mais ric-rac) pour le troisième. Donc la solution à tout ça (tenez-vous bien et couchez les enfants), c’est de chopper le rouge au premier (oui le rouge, dès le départ), puis la fin du vert au deuxième et là banco, le troisième feu passera au vert PILE lorsque je mettrai le pied gauche sur la chaussée. Et dire que cela constitue une joie en soi. Non, pardon, désolé, mais moi je ne peux pas m’y résoudre. Certains choisissent de ne jamais se poser, c’est le cas du personnage interprété par George Clooney dans In the Air. D’autres choisissent la sur-sédentarité. Existe-t-il un juste milieu ?

Car la sur-sédentarité, merci bien ! Oh certains adorent. Ils sont rassurés par leur connaissance précise des paysages qu’ils traversent. Ils fendent un espace qui leur est familier et qui les épargne de toute mauvaise surprise. Oh, il y a bien quelques événements inattendus qui ponctuent leur trajet. Une merde qui barre le trottoir, une vieille au chignon rigolo, une plaque de verglas qui fait tomber un cycliste, un chauffeur de métro plus déprimant qu’à la normale, un clochard qui a changé de place, une vieille bourgeoise qui s’accroupit sur un trottoir pour mieux pouvoir se maquiller face à un rétroviseur de voiture. Il y a tout ça. Et c’est la seule façon de savoir que l’on ne vit pas EXACTEMENT la même journée qu’hier. Parce que parfois on en est rendu là. Le jour sans fin. Un enchaînement irrépressible d’événements connus. Moi il m’arrive de savoir exactement ce que va faire la demoiselle en face de moi dans le métro. À quelle station elle descend. Quel livre elle lit. Quel parfum elle porte. Elle va au travail aux mêmes heures que moi. C’est un pur hasard. Nous partageons 4 stations de métro à l’avant de la ligne une. Et j’en sais plus sur elle sans lui avoir jamais adressé la parole que sur tant d’autres à qui je parle. Par ailleurs, l’envie de lui parler est totalement absente. Pour se dire quoi ? Pour être convivial ? Et si elle n’était pas du matin, elle serait désagréable. Peut-on s’adresser à autrui sans motif valable ? Sans cause à défendre ? Sans idée derrière la tête ? De manière désintéressée ! Simplement pour dire bonjour. Pour dire, tiens, voilà, nous sommes à côté et parlons la même langue alors… parlons. Je crains que non. À quoi bon ? Et pour ceux qui ne sont pas musicien, ni écrivain et qui ont quand même des choses à dire. Ils sont nombreux. Comment font-il ? Les rockeurs sans guitare, les poètes à la feuille blanche… corps sans âme ? Autant jouer du violon dans le désert, au moins la musique qui en sort s’envole et on peut toujours avoir l’espoir que quelqu’un l’entendra par delà les vents. À Paris, tout le monde court (vers où ?) et t’as beau crier, personne ne prendra le temps de se mettre en retard pour t’écouter.

lundi 1 février 2010

Musique: Sourire sous la pluie Vs. Pleurer au soleil

Dans Rain, sa dernière sonate, le compositeur-(auteur-interprête) Michael Holbrook Penniman, Jr. (alias Mika), (prononcé Mikaaaaa), nous le dit tout net. Il n’aime pas quand il pleut. Mais alors pas du tout, du tout, du tout. Je vais laisser parler un peu le texte avant de reprendre la main :

« Baby, I hate days like this
When it Rain and Rain, it Rain and Rains
When it Rain and Rain, it Rain and Rains
When it Rain and Rain, it Rain and Rains
When it Rain and Rain, it Rain and Rains
More than this
Baby, I hate days like »

Loin de moi l’idée de procéder à une acide analyse du texte sous forme de douche froide. Tout est limpide comme de l’eau de roche ; l’idée sous-jacente surnage. Mieux ! Elle coule de source. La pluie pourrit nos vies. Sous la pluie, point de lumière, et guère d’espoir… tout est noir !

Why does it always rain on me, Travis
I can’t stand the rain, (mondialement reprise par) Tina Turner
November Rain, Guns & Roses
Purple Rain, Prince

Une petite fille, Claude Nougaro :
"Une petite fille en pleurs
Dans une ville en pluie
Et moi qui cours après
Et moi qui cours après
Au milieu de la nuit"

Gare de Lyon, Barbara :
« Paris, sous la pluie
Me lasse et m'ennuie.
La Seine est plus grise
Que la Tamise. »

Pierre, barbara:
« Sur les roses de la nuit
Il pleut des larmes de pluie.
Il pleut »

Pour rendre totalement justice à Pierre, on rappellera que Barbara dit aussi dans la chanson « Oh mon dieu que c’est joli, la pluie ». C’est là que ça devient intéressant. L’environnement météorologique est hostile, mais, comme un pied de nez, on s’évertue à être heureux. C’est un peu comme vivre une grande histoire d’amour en plein hiver. Tout nous en empêche, et pourtant, rien ne nous l’interdit. D’ailleurs la Saint Valentin approche alors pensez-y, il n’est pas encore trop tard. En y réfléchissant un peu, le choix de la date de la Saint Valentin -à la fin de l’hiver- n’est probablement pas anodin. Il s’agit de donner un objectif clair à tout un chacun. Le discours officiel dit : l’hiver sera froid, mais trouvez-vous QUAND MÊME quelqu’un pour le 14 février, sous peine d’être un célib’-à-terre. Ou pire ! Devenant la risée de vos amis qui n’oseront plus évoquer votre nom en société, vous serez un célib’-à-taire… Alors à vous de triompher de l’hiver comme Gene Kelly, amoureux, qui se rit des caprices du ciel dans Singing in the Rain ; comme les Weather Girls qui remplacent les gouttes par des mecs : It’s raining men ; ou comme Jermaine Jackson qui décrit ce qu’il ressent alors que la pluie commence à tomber : Il propose ni plus ni moins à sa partenaire de chevaucher son « arc-en-ciel » dans les cieux (voilà une attitude volontariste, nom d'une pipe) :
« And when the rain begins to fall
you'll ride my rainbow in the sky »

À l’inverse, source intarissable pour les songwriters, le soleil n’en finit pas de nous… inonder de bonheur :
Here comes the sun, The Beatles
Sea sex and sun, Serge Gainsbourg
Let the sunshine in, Hair
Sunny, Boney M

Et si on entre dans le cœur des chansons, c’est la même chose :
Emmenez moi, Charles Aznavour :
« Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil »

Mon légionnaire, de Gainsbourg :
« Qu'on s'en irait seuls tous les deux
Dans quelques pays merveilleux plein de lumière! »

L’idée c’est quand même de se casser sous les tropiques à chaque fois. Pour y faire quoi on l’ignore. Mais pour au moins voir la lumière du jour. Pourtant, le légionnaire a pris la tangente : « Il est parti dans le matin plein de lumière! ». Sans crier gare, ni rien. Sans que Serge ait pu lui avouer un Stevie-Wonderien : « you are the sunshine of my life » (Serge avait peur de le voir sourire). Dès lors, il n’y a plus qu’à rester dans le souvenir gainsbourien :
« Il y avait du soleil sur son front
Qui mettait dans ses cheveux blonds
De la lumière ! »

Conclusion :
Quand l’être aimé devient soleil, alors on peut aimer en hiver.



PS : Un couplet de Mon légionnaire en cadeau-bonus :

« Bonheur perdu, bonheur enfui
Toujours je pense à cette nuit
Et l'envie de sa peau me ronge
Parfois je pleure et puis je songe
Que lorsqu'il était sur mon coeur
J'aurais dû crier mon bonheur...
Mais je n'ai rien osé lui dire
J'avais peur de le voir sourire! »