vendredi 21 novembre 2008

La Vie Moderne

Au début, nous on se moque un peu de ces paysans. Mais Depardon, lui, de ne moque jamais. En toute simplicité il nous prend par la main et nous fait découvrir un autre monde, au fin fond des Cévennes. De ferme en ferme, on découvre ces agriculteurs qui semblent posé là depuis des millénaires. C'est ça qui est beau. Cette permanence du temps, et de l'espace. Tout semble figé. Le vent a beau souffler, les hommes ont beau vieillir, le métier reste le même: manuel, physique, total. Alors quand le neveu prend femme, les vieux oncles font grise mine. Eux sont restés célibataires et voient d'un mauvais oeil cette nouvelle venue qui n'est pas du pays et va mettre la main à la patte. Célibataires, oui, mais pas vieux garçons. Leur amour, ils l'ont donné tout entier à leurs bêtes. Parce que celui qui ne fait que semer, n'exerce pas vraiment le métier d'agriculteur. Il faut des bêtes. Quand une vache tombe malade, on comprend mieux la relations de l'homme à l'animal. On en a presque les larmes aux yeux. Le traitement de ces animaux là n'a pas grand chose à voir avec les plus rentables élevages industriels anonymes et automatiques. Ici, tout semble dur, tout est lutte. Et il y a la langue bien sûr. On parle peu. On parle utile. D'ailleurs on parle à qui? Aux bêtes, au chien qui ramène le troupeau, à soi et aux autres hommes de la ferme. Alors les mots restent dans la bouche et on se comprend par le contexte, l'intonation, le regard. "La Vie moderne". Ce titre interpelle le citadin qui regarde ce spectacle dans une salle sombre, ébahi par les sublimes paysages cévenols. Bien sûr il y a une télé et le téléphone, mais ça ne permet pas un désenclavement. La route qui permet d'en sortir est étroite et semble bien longue. On se sent perdu, tout au fond de l'âme terrienne de la France. S'il ne restait qu'une ferme, ce serait celle-la, enraciné qu'elle est à sa terre. Chacun chemine intérieurement et imagine le mode de vie ses aïeux, sans eau courante ni électricité. Absence totale de loisir, impossibilité de prendre des vacances. "Quel courage" pensons nous, commettant ainsi un anachronisme. A ces gens-la, l'électricité ne pouvait leur manquer puisqu'ils ignoraient qu'elle serait inventer une jour. De même, ignoraient-ils le mode de vie de leurs congénères habitant à plus de 50km à la ronde. Qu'a-t-on en commun avec ces paysans? Guère. Et pourtant il y a quelques générations, ils représentaient la grande majorité de la population. Que de changements en quelque temps. Rappelons nous donc la statistique la plus importante du siècle: depuis 2000, de manière irréversible, et pour la première fois de l'histoire de l'humanité, la population mondiale est majoritairement citadine.