mardi 28 avril 2009

Psychose, Joker et Angelo Pardi !



La grippe porcine touche les humains. Les mots sont trompeurs. Ou alors elle ne touche que les humains qui reçoivent le qualificatif de « porc » par leurs pairs. Ça serait trop facile. Et puis peut-on être un porc dans l’absolu, aux yeux de tous et pour toujours ? Probablement pas. On est « porc » à un moment donné et aux yeux de certains, avec de bonnes ou de mauvaises raisons.

Ainsi la grippe cochonne touchera ses cibles aléatoirement, chaotiquement, au hasard. Et ce d’autant plus que l’on vit dans un monde ouvert (tous les ans, un milliard de personnes prennent l’avion). Les frères humains partagent tout. Les joies et les peines. On a vu Babeth II se faire mettre une couronne sur la tronche, les Américains marcher sur la Lune, les New Yorkais courir dans le vacarme de tours qui tombent, les Asiatiques se noyer sous un tsunami, les Chinois s’accrocher des médailles d’or autour du coup. Aujourd’hui on voit les Mexicains revêtir des masques et l’on sait que ce n’est pas une coquetterie de nippons parisiens polluto-névrotiques. Devra-t-on faire de même ? Tous, autant que nous sommes, nous grimer en Docteur Doug, organiser des soirées façon Urgences ?

Tel Joker de The Dark Knight ne révélant pas ses plans, le virus frappera anarchiquement semant au mieux le trouble, au pire la psychose : cloîtré chez soi, ne réduit-on pas les risques de contamination ? Curieux retournement de situation. La récession économique a fait marcher au pas l’homo œconomicus, trop affolé qu’il était de rejoindre le troupeau des brebis galeuses au chômage : « Dégoter un stage est un luxe aujourd’hui monsieur ». Mais finalement, finalement, on en oubliait l’essentiel, il y a quelque chose au dessus de l’homo œconomicus, il y a l’homo sapiens sapiens encore vivant. On ne va quand même pas s’excuser d’être en vie, mais on se doit de porter haut le flambeau de l’humanité.

Jean Giono dans Le Hussard sur le toit (ou comment une épidémie peut être vécue romantiquement) :
« Nous ne savons pas ce qui nous attend sinon que, d’après ce que nous avons déjà vu ce sera sans doute coton. Tâchons d’être à la hauteur des événements. »
« Le choléra est une saloperie, mais le reste est une saloperie encore pire. Ne faites pas le cocardier. »

mercredi 22 avril 2009

Les Chauffeurs de la Drôme


Il y a un siècle exactement, des brigands de grand chemin semaient la terreur à travers le pays. Parmi les plus célèbres on trouve les « chauffeurs de la Drôme » qui assassinèrent 18 personnes âgées après leur avoir soutiré leurs économies. Méthode employée pour forcer les vieux à avouer où se cachent les bas de laine ? Leur brûler les pieds. D’où le charmant surnom : « chauffeurs de la Drôme ».


C’est toujours curieux de s’imaginer le mode de vie de nos arrière-arrière-grands-parents, en 1909.
Pas d’électricité : donc pas d’ordi, pas d’Internet, pas de Facebook. Certes, mais aussi : des rues mal éclairées, pas de sèche cheveux, et bien sûr : aucun électro-ménager : lave-linge, lave-vaisselles, four, etc.
Pas de droit de vote pour madame, pas grand-chose de permis pour madame d’ailleurs
Pas d’études supérieures, pas de perspectives de carrière réelle
Pas un seul jour de congés payés, mais, grand progrès, la semaine de 6 jours vient juste d’être votée, ainsi que la journée de 10h (donc semaine de 60h)
Peu de transports : pas de voitures, pas d’avion, pas de TGV, peu de train, guère de calèche à grande vitesse…
Pas vraiment d’information : des journaux certes… mais pas de radio, rien.



Qu’on ne vienne pas nous sortir que l’insécurité c’est nouveau et que ça demande des moyens supplémentaires et qu’on n’a qu’à accepter de réduire nos libertés individuelles sous ce prétexte. Agir oui, mais faut pas pousser mémé dans les orties.

lundi 20 avril 2009

Entre Les Murs Vs. La Journée de la Jupe


Deux films sur l'école, à l'intérieur de l'école: deux profs de français dans des collèges difficiles: un homme, une femme.

Dans Entre les murs, François Bégaudeau ne parvient à rien face à ses élèves, rien ne passe, la barrière de la langue est infranchissable, d'un côté comme de l'autre. Jamais le prof ne trouve la clé de l'équation à trop d'inconnues qui lui permettrait de délivrer un cours à une classe qui s'y refuse. Le film en reste là: incommunicabilité des êtres, échec de l'intégration, collision d'un habitus quartier difficile sur le mur bourgeois de l'Education Nationale.

Confrontée à la même situation, dans La Journée de la Jupe, Adjani va entreprendre un geste fou pour débloquer la situation. Droite dans ses bottes, femme dans sa jupe, prof dans sa tête, elle dégaine. Non, elle n'ôte pas sa gaine (film tout public). Elle braque son flingue sur la classe. La classe ! Et elle parvient à parler de Molière. L'écoute devient nécessaire, obligatoire, vitale. Le film est une réussite. Les acteurs sonnent juste, l'humour se faufile tout au long du film, notamment grâce à Jackie Berroyer qui incarne Le Principal du collège, pas à la hauteur.
Conclusion: on y court, si on trouve un cinéma qui le passe. Sinon on attend la redif d'Arte. Pour les plus courageux d'entre vous qui ne craignez pas de vous attirer les foudres ni la fougue de la belle Christine Al-Banel... téléchargez! (légalement of course).

samedi 11 avril 2009

Frost/Nixon Vs. Harvey Milk Vs. Il Divo



Trois films politiques, dans trois genres différents.
En toile de fond les années 70, les médias, la télé, le fric (eh oui, à l'époque y'en avait)

Harvey Milk (1930-1978) montre la lutte d’un idéaliste fer-de-lance pour défendre la cause homosexuelle sur un échiquier politique qui se contrefiche de cette question.
Il Divo montre les combines et l’isolement de Giulio Andreotti (1919) à la tête d’un grand parti politique italien dans un pays où les alliances politiques sont friables et où la mafia corrompt.
Frost/Nixon est le post-scriptum de l’affaire du Watergate. C’est la postface d’un homme politique brillant qui a tout perdu. L’histoire de l’interview télévisée la plus regardée au monde : Richard Nixon (1913-1994) 3 ans après sa démission.

L’ascension, la gestion, la déchéance. Trois dynamiques passionnantes à observer.

Incontestablement, le meilleur des trois est Il Divo, alors que les personnages, le contexte et les thèmes abordés sont ceux qui, a priori, m’attiraient le moins. La réalisation de Paolo Sorrentino est magistrale, chaque plan est un feu d'artifice.

Les trois films ont été peu distribués. A eux tous, ils font moins d'entrées qu'une seule journée d'exploitation de Coco...

vendredi 10 avril 2009

Le crime de l'Orient-express

Ce diable avait deux ans
Il n'était pas très grand.
Apparence angélique
Esprit machiavélique;
Remonté des enfers
Et ne sachant que faire
Il entra dans un train
Malheur... ce fut le mien !



A la minute où je me suis assis à ma place dans le train il a crié, il a gémi, il a gesticulé. Ce n'est pas dramatique me direz-vous. Certes, non. Le drame absolu, c'est que ma place fut numérotée, comme la sienne et que nous fumes condamnés à nous faire face pour 3 longues heures. Oui! Nous faire face. Ô joie des tables dans les TGV, quelle brillante idée...
SNCF: à nous de vous faire détester le train.

Week end de Pâques oblige, Paris se vidait comme une dinde et chacun rejoignait sa province de coeur, sa province natale, sa province d'adoption. Pour les plus chanceux ladite province regroupait les trois attributs.

Mon malheur à moi tenait en trois lettres: Tom. Sa province à lui était la même que celle de sa mère assise à côté et ne devait pas être bien éloignée de la mienne. D'où le trajet en commun.

Moi: "Grand dieu qu'ai-je fait pour mérité ça? Pourquoi diable hurle-t-il "un train" à chaque fois qu'il en voit un et même quand il n'en voit pas? Pourquoi les coups de pieds? Pourquoi les pleurs? Pourquoi systématiquement tout renverser sur mes affaires? Et surtout, pourquoi est-ce que sa complice de mère est-elle laissée en liberté? N'a-t-elle trouvé rien d'autre pour le calmer qu'un DVD dont tout le monde profite du volume sonore? Pourquoi est-ce qu'elle essuie la table avec la main quand le mioche éternue? Pourquoi est-ce que tout ça l'amuse?"

Lui: "One rule: No rule. Je parle fort si je veux et j'hurle si je veux. Quand je tombe ma mère me relève, la bienveillante. Quand je pleure, elle sèche mes larmes, la brave femme. Personne ne me dit qu'il n'en sera pas toujours ainsi."

Ce qui me gène moi, c'est ce que j'ai pensé. Je le confesse ici. J'ai pensé mal. Très mal. Pour tout dire j'ai voulu prendre la tête du gosse et l'exploser contre le coin cette maudit table qui le séparait de moi. Et quand je dis exploser, c'est bien exploser. J'aurais voulu voir la cervelle dégouliner sur ses affaires à lui. J'aurais voulu voir ses yeux sortir de leur orbite. problème: le code pénal en vigueur dans notre république m'interdit de tels agissements. Même en plaidant la folie, c'est un coup à rester au trou plusieurs décennies.

Ô que ma peine fut grande lorsque le diablotin se tut une minute, celle-là même où le contrôleur vint vérifier nos billets. le silence du garnement lui valut un compliment de l'agent SNCF: "Mais qu'il est sage ce petit"... J'ai cru me mettre à pleurer. Mais les larmes ont coulé à l'intérieur. J'ai gardé la face. On a continué de me prendre pour quelqu'un de fort. Oui, car c'est le reste de la rame qui se tapait les cuisses. Ils étaient trop contents de n'être pas à ma place, les chiens. Je n'ai eu de cesse d'envisager passer le reste du trajet dans le wagon bar, sur un tabouret raide comme la justice. Mais j'ai tenu à faire front et à profiter de la mousse de mon fauteuil jusqu'à la fin. Après tout, n'avais-je pas payé 70euros ce billet?

Mais à quel prix! Au prix de ma bonne santé mentale. Voilà que j'ai envie de vomir maintenant. Le petit joue aux voitures. Y'a même un camion de pompiers et des avions. Lorsqu'il a sorti son camion citerne, j'ai vite compris qu'il fallait que je passe aux toilettes. La tentation de le lui faire bouffer était trop forte.

Dernier stratagème, dernier rempart contre l'ennemi qui souhaite mon anéantissement total: l'ironie. Alors que j'étais en train de lire les Fragments d'un discours amoureux*, je me suis décidé à changer de bouquin. C'est qu'une question me taraude depuis des mois et des mois. Philosophie Magazine y consacre un numéro spécial: "Pourquoi fait-on des enfants?".

Débat à suivre.


*de Roland barthes

jeudi 2 avril 2009

Les Noces Rebelles

(Titre original: Revolutionary Road)


MAGIQUES dans l’historique et tragique Titanic, les deux Romantiques sont pour toujours les amants mythiques de l’Atlantique.
Belle-Kate et Beau-Léo… ça coule de source. C’est beau comme le rire d’un enfant sous le vent.
Les amants en croisière s’amusent.
Amour bercé par l’océan.
Amour parfait parce que pureté immaculée, comme ce diamant… «Cœur de l’Océan»

Mais finalement, cette grande épopée n’est-elle pas que la partie émergée de l’iceberg ?

Les Noces rebelles est une plongée en eau trouble. Il s'agit plus de faire mumuse sur un paquebot en écoutant du Céline Dion cheveux au vent à toute baltringue sur la proue. Non, là il s'agit de vivre. On entre dans le quotidien. Mortel?
Belle-Kate retrouve pour la première fois son amoureux depuis que Beau-Léo a piqué du nez par -15°. Et Kate est belle, oui. Belle et rebelle. Ce qui est toujours mieux que moche et remoche, tout le monde en conviendra. Mais Beau-Léo, lui, il n’est pas si rebelle que ça.

Explications.
Ils sont en couple tous les deux. C’est l’après-guerre. Ils sont jeunes. Ils ont le pavillon dans la banlieue pavillonnaire. Ils ont deux beaux enfants que Kate élève pendant que Léo est au bureau. Et alors ? C’est ça le bonheur ? Recevoir les voisins de temps en temps, sortir dans le seul bar du coin ?
Kate rêve de Paris. Léo finit par s'en convaincre. Ils veulent vivre. Bien sûr ça comporte risque, danger, incertitude. Mais quelle aventure! Traverser l’Atlantique, en bateau, mais dans l’autre sens cette fois.
Kate enceinte d’un troisième, une promotion proposée à Léo, la société tout entière qui désapprouve le choix des deux tourtereaux. On peut toujours trouver mille raisons pour ne rien entreprendre.

Il est où le bonheur ? Cette vie que propose le rêve américain n’est-elle pas que « hopeless emptiness », à la fois néant et sans-espoir ? Dans cette banlieue tranquille, océan de conformisme où se s'est abîmé le jeune couple, seul l'idiot du village voit clair :
« Plenty of people are on to the emptiness. But it takes real guts to see the hopelessness ».

Film sombre, aride, antithèse de Titanic finalement.
Titanic II, les amants de l’Atlantique plongés dans le quotidien de l’American way of life.


Concluons en 4 temps :
Le Premier temps c’est Carpe Diem (parce que ça ne mange pas de pain)
Pierre de Ronsart : « Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie »
Le second c’est Gide dans Les Faux-monnayeurs :
« Dans un instant, j’irai vers mon destin.
Quel beau mot : L’aventure ! Ce qui doit advenir. Tout le surprenant qui m’attend. »
Le troisième c’est George Burns, qui, lui, a trop attendu :
« Je suis à cet âge où le simple fait d’arriver à mettre un cigare dans un fume-cigare est une aventure excitante »
Alors le quatrième temps s’impose, avec René Char dans Rougeur des Matinaux :
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder ils s’habitueront. »