mardi 24 mai 2011

DSK sorti, Fabius se montrera courtois et cèdera sa place à Aubry. À moins qu’il ne lise cet article…

La politique est une course de chevaux

La politique n’est pas censée être une course de chevaux. C’est censé être des projets et des idées (les bonnes si possible). Mais en approuvant l’inversion du calendrier et le quinquennat, les Français ont choisi la course de chevaux tous les cinq ans. Laquelle course, dure à chaque fois presque deux ans. Évidemment, ça excite les journalistes, ça fait parler dans les chaumières et ça enflamme les cafés du commerce. Il est bien plus facile de livrer ses impressions sur tel ou tel animal politique plutôt que de débattre des modalités de réduction de la dette publique. Soit. Vox populi vox dei. L’élection présidentielle est la conquête par un homme d’un peuple (romantique). J’écris romantique ici parce que les Français sont comme les autres, en politique comme en amour, ils aiment rêver, vibrer, s’aveugler pendant une campagne électorale et croire aux lendemains qui chantent. Un an ou deux après, soûlé d’un président gesticulateur et hyper-télévisé, ils regrettent amèrement les conséquences d’un amour d’été. On tombe amoureux d’une personne, pas d’une idée.

Du coup dans ce post, il ne sera pas question d’idées, il sera question de la course de cheval.

Merde.


DSK était le poulain du PS

Je dis cette chose ici, parce qu’elle n’a pas une seule fois été dite en plus d’une semaine d’hystérie médiatique autour de l’affaire DSK. L’ancien Président du FMI était bel et bien le candidat socialiste prévu pour 2012. Ni lui, ni ses amis de Solférino, ni personne ne l’a dit et pourtant c’est une vérité qu’il faut dire pour avancer. De nombreux barons strauss-khaniens préparaient l’atterrissage de leur poulain en territoire français en vue de la primaire socialiste et de la campagne pour la présidentielle qui s’ensuivrait. (Pardonnez mes métaphores, un poulain n’atterrit pas). L’atterrissage n’a pas eu lieu puisque le poulain s’est pris les pieds dans le tapis à New York. S’il est reconnu coupable, c’est attroce. S’il est reconnu non-couplable, c’est attroce aussi (parce que le jugement qui l’innocente arrivera trop tard). Du coup, c’est attroce dans tous les cas.

Merde.


Le PS bascule dans l’après-DSK.

Entre 2007 et 2011, DSK a été le seul ténor socialiste à n’avoir pu s’exprimer sur absolument aucun sujet de politique nationale. Son statut au FMI lui interdisait. En dépit de cela (ou peut-être grâce à cela) il est progressivement apparu comme le candidat naturel du PS. C’est bien d’être un candidat naturel, ça facilite les choses. Mitterrand l’était, pour des raisons historiques, et il a fini par gagner (deux fois). Royal ne l’était pas, elle était une bulle spéculative de sondages, et elle n’a pas gagné, puis elle a explosé (en vol).

DSK était le candidat naturel. D’ailleurs, Martine Aubry, Laurent Fabius et lui avait conclu un « Pacte de Marakech » afin d’assurer la victoire du poulain. Le poulain est coincé dans un appartement new-yorkais sous vidéosurveillance en attendant son jugement. Le PS bascule dans l’après-DSK, alors même que DSK… n’a jamais été présent… et ne s’est jamais déclaré candidat. Drôle de paradoxe ! En tout cas, quelle occasion manquée...

Merde.


Parenthèse sur un parallèle d’actes manqués : 1995 et 2012

Présidentielle 1995 : À 7 sur 7, au micro d’Anne Sinclair (femme de DSK déjà à l’époque), Jacques Delors (père de Martine Aubry déjà à l’époque) annonce qu’il est trop honnête pour être le candidat socialiste. Le PS sait qu’il perd son unique occasion de gagner.

Présidentielle 2012 : DSK (mari d’Anne Sinclair) est incarcéré à New York et poursuivi pour tentative de viol. Sa femme l’y rejoint. Face à ce deuxième acte manqué, Martine Aubry (fille de Jacques Delors) déclare être prête à « prendre ses responsabilités », contrairement à son père 17 ans avant elle. La boucle est bouclée.


Après-DSK : les poulains déclarés

(Je vous les présente en crescendo)

- Manuel valls : Il s’était déclaré il y a des plombes : en juin 2009 ! Il fut le premier. Puis il avait retiré sa candidature en attendant que DSK se prononce. Après l’incarcération du poulain à New York il a évoqué l’idée de mettre entre parenthèse les primaires. Puis a appelé à laisser passer du temps: « Le temps de la décence » (sic). Sept jours après il annonce sa candidature. Conclusion : la décence dure 7 jours. (Aucune expérience ministérielle).

- Arnaud Montebourg : Il s’est déclaré depuis des plombes ; ce qui a obligé sa concubine (Audrey Pulvar) à démissionner, faisant hurler les féministes. Son conflit ouvert avec la fédération des Bouches-du-Rhône joue en sa défaveur pour l’instant. Il donne l’impression de vouloir laver le linge sale socialiste en public et apparaît comme un délateur plutôt qu’un justicier au grand coeur. Son élocution aristocratique l’empêche d’être perçu comme socialiste, ce qui est génant. (Aucune expérience ministérielle).

- Ségolène Royal : Elle s’est déclarée depuis des plombes mais ne décolle pas dans les sondages. La leçon 2007 a été tirée. Chat socialiste échaudé craint l’eau froide et les nuages de fumée --> Out !

- François Hollande : Numéro 1 des sondages qu’il dit ne pas lire tout en les commentant. Il se pose en « candidat normal ». Les français oublient qu’il est énarque et qu’il n’a pas d’expérience ministérielle. Ils retiennent le corrézien (d’adoption) et y voient un retour aux choses simples, façon Chirac, mais de gauche. Au sein de son parti qu’il a dirigé 10 ans, il est perçu comme un mec bien, un type qui a de l’humour et qui est fidèle en amitié. Pour autant certains barons moquent son manque supposé de charisme ; lorsqu’on les questionne sur l’éventualité qu’il accède à l’Élysée ils disent : « Non mais sérieusement, c’est une plaisanterie, vous n’y pensez pas ». La direction du parti ne soutient pas sa candidature et cherche à lui opposer un candidat labélisé TSH (tout sauf Hollande). La rancœur envers Hollande remonte au temps où il dirigeait le parti (… long story). Paradoxe : Rappelons que c’est l’actuelle direction a gagné le congrès de Reims (2008) grâce à une fusion de 3 motions de poids égal contre une quatrième, selon un principe TSS : Tout Sauf... Ségolène.

Merde.


Après-DSK : Quel candidat adoubé par la direction du PS ?

Après le TSS, voici venu le temps du TSH. Notons ici la misogynie de ces acronymes puisque S.Royal est appelée par son prénom, contrairement à son ex-mari. L’égalité homme-femme voudrait que l’on écrive, et ce serait plus drôle, non pas TSH, mais TSF (allô radio Londres ?)

Bref, je rappelle que la direction du PS n’a pas encore désigné son poulain. Cette direction est issue de la fusion des motions de : Aubry/Fabius + Hamon (gauche gauche) + Delanoë/Hollande (jospinistes). Martine Aubry s’est retrouvée à la tête du PS un peu par hasard, héraut du TSS tout en n’étant pas une menace pour 2012. Alors quel poulain ?

- Aubry ?

Pas une menace pour 2012… ça c’est ce que tout le monde croyait. Mais le temps a fait son œuvre. Aujourd’hui DSK est out. Et depuis 3 ans, elle a conquis une forme de respectabilité et de crédibilité au sein du parti en accomplissant la sacrosainte rénovation. Dimanche 22 mai à 13h, exactement une semaine après l’affaire du Sofitel, elle affirme face caméra au JT de France 2 (service public) qu’elle « prendra ses responsabilités ». Martine Aubry est clairement identifiée à gauche. Elle apparaît comme une personne indécise ayant une grande ambition collective, mais peu d’ambition personnelle. Rappelons que l’élection présidentielle est une course cheval, pas un match de foot (d’ailleurs, au ballon rond… 2011: année lilloise).

- Delanoë ?

Non, ce ne sera pas lui. Pourtant il a de grandes qualités : un des plus hauts taux de popularité au PS, excellent tribun, fin tacticien… Ce ne sera pas lui car il ne candidatera pas. Le maire de Paris est vexé de n’être pas devenu premier secrétaire du PS en 2008. Il s’y voyait déjà. Du coup il a jeté toutes ses forces dans Paris qu’il se plaît à administrer jusqu’en 2014 (il ne se représentera pas). Sans expérience ministérielle, il apporte à Martine Aubry un soutien fervent.

- Fabius ?

Du trio signataire du pacte de Marakech, il se place eu deuxième roue de secours. Il ira si et seulement si DSK n’y va pas (ça semble acquis) et si Martine n’y va pas (ça c’est moins sûr). Du coup il n’ira vraisemblablement pas. Et c’est dommage. On peut louer son sens du collectif et sa volonté d’éviter la foire d’empoigne, pour le bien de sa famille politique. Pourtant il a toutes les qualités pour le poste : 1. Son expérience et sa compétence en font un candidat crédible (il est un des rares socialistes à s’exprimer régulièrement dans les grands médias sur tous les sujets) ; 2. il a le charisme et la hauteur de vue lui permettant de rassembler à gauche et de créer un mouvement vers la victoire ; 3. il a l’envie. Par conséquent, il est en droit de prétendre au poste. Il y renonce. C’est un sacrifice. Il l’a encore répété ce soir sur le plateau du JT de TF1 : « ce n’est pas d’actualité »… Grrr… Bref, du coup, son lot de consolation sera probablement le ministère des Affaires étrangères en cas de victoire.

Je suis persuadé qu’il pense à l’Élysée tous les jours depuis 1984, année où il devint Premier ministre (qui est aussi mon année de naissance). Il y pense tous les jours, mais l’affaire du sang contaminé l’empêche. Aux yeux de la justice il est innocent. Mais la procédure a laissé des taces dans l’opinion. C’est regrettable, mais c’est ainsi. Il subit une condmnation morale : celle d’errer dans les limbes des sondages. Attention, les sondages ne font pas l’élection, on sait ça, les exemples regorgent ! Fabius est un homme intelligent, il sait tout ça. Pourtant, il estime que Martine est mieux placée que lui, alors il la soutient. Je ne partage pas ce jugement. Mais cela relève de l’intime conviction. Et à ceux qui me parlent d’age, je leur dirai qu’il est né 2 ans et 8 mois avant DSK… tu parles d’une affaire…


Conclusion : Veillée aux flambeaux

Aux primaires, on s’avance vers une course Hollande (hors parti) Vs. Aubry (dans le parti). Le tout parasité par les candidats annexes qui manquent de sérieux et qui ne se maintiennent que pour gagner en taux de notoriété et pour monnayer leur ralliement à l’un ou l’autre.

Depuis l’avènement de la Ve République en 1958, un seul socialiste (F.Mitterrand) a réussi à gagner une élection présidentielle (deux). Sa dernière victoire remonte à 1988 ; c’est vieux 1988, presque aussi vieux que moi... Je voudrais rappeler ici qu’en 2007 l’élection était imperdable face au numéro deux du gouvernement sortant. Et pourtant Royal était parvenu à mettre un terme à 28 ans d’alternance systématique au moment où la gauche allait bénéficier de cet effet de balancier. En 2012 c'est archi-gagnable pour la gauche : Sarkozy devra rendre compte de l’échec de dix années de politique sécuritaire (il était ministre de l’Intérieur en 2002) et de cinq années d’une Présidence bling-bling raplapla où ses paroles de refonte du capitalisme mondial n’ont fait que souffler du vent dans les focs des voiliers de ses amis milliardaires.

Le flambeau de la victoire est aux pieds des socialistes. À l’un d’entre eux de s’en saisir et de montrer le chemin (lyrisme quand tu nous tiens…) Avant de confirmer son sacrifice sur l’autel du jeu collectif, Laurent Fabius devrait lire mon blog et réfléchir encore un peu…

mardi 8 février 2011

Victoires de la musique 2010...................... VOTEZ Lilly Wood & The Prick

Hier, ils ont commencé leur concert à la Cigale par leur titre le plus aérien: "Hymn To My Invisible Friend". Progressivement, au fil de la chanson, la lumière s'est faite sur la scène dévoilant nos deux Invisible Friends qui se sont mus en Invicible Friends (titre de leur album). Ah! qu'ils semblaient heureux d'être dans cette salle mythique pour cette date qui affiche complet depuis des mois ! Parce qu'ils ont du talent, ils ont communiqué leur énergie au public qui le leur a bien rendu. Ca s'appelle l'échange et c'est beau. Sur scène ils ont joué leur (premier) album en totalité. La version studio est une réussite. La version live, plus rock, séduit tout autant, voire plus.
...
Voilà pourquoi, avant mercredi 20h00, il faut VOTER Lilly Wood & The Prick.
C'est EUX la révélation 2010.
...
1° Ils créent une musique d'un genre nouveau, un genre inclassable; contrairement au réchauffé monocolore que produit le reste de la chanson française. Sans s'enfermer dans une chapelle, Lilly Wood & The Prick réussit à jongler avec les genres: folk, rock, électro, pop. Nul besoin de les ranger, ils ne souffrent pas le rangement. Chaque chanson apporte son grain de sel. Quel régal !
2° La voix de Nili vient toucher l'auditeur dans un coin de son coeur dont il ignorait l'existence. Elle suscite l'émotion, le frisson. Isn't this what music is for ?
3° Toutes les chansons sont réussies. Toutes. Absolument toutes. Celle que j'ai entendu en premier et qui est ma préférée de l'album, c'est "My Best": c'est frais, c'est fort, c'est tonique, ça bouge, ça donne envie de danser et donc de vivre.
4° Ils sont libres.
5° Ils sont un groupe: 1+1. Et ça c'est beau. C'est rare. Depuis le temps qu'on attend un groupe de cette qualité, en France...

Conclusion:
Regardez ce clip, aimez et votez ICI

mardi 11 janvier 2011

Ennuyeux "Somewhere" de Sofia Coppola

Dans Somewhere, le dernier film de Sofia Coppola, Stephen Dorff est everywhere mais il conduit le spectateur… nowhere.

Johnny Marco, superstar hollywoodienne en proie aux longs ennuis… habite une chambre d’hôtel à LA, a une Ferrari bling-bling, a momentanément la garde de sa fille, mais s’ennuie jusqu’à la fin du film où il arrête sa voiture sur l’autoroute et s’en va à pied. Une fois cette phrase écrite, je n’ai plus rien à ajouter concernant le scénario, tant celui-ci est vide. À cela s’ajoute des dialogues piteux, voire énervants de bêtises. Ce Johnny a tout du regular guy, aussi la langue anglaise apparaît dans sa connerie la plus plate. On pourrait penser qu’il nous reste les silences pour contempler l’esthétique cinématographique de Sofia Coppola. Eh bien ! même pas. Le film est visuellement pauvre ; il enchaîne les clichés nauséeux, sans créativité, caricaturaux. Les plans sont fixes, longs, inélégants... L’image ne sert aucun propos et n’a pas la profondeur minimale qui autorise un film minimaliste à dire, tout de même, une ou deux choses de temps en temps. Au final, une heure trente paraissent longues, un comble !

Les plans traînent en longueur à l’image de la première scène du film :la caméra, fixe, filme un bout de circuit où une Ferrari fait une demi-douzaine de tours, et ça dure, dure, dure… c’est interminable. On s’ennuie. Plus tard on verra en plan fixe l’intégralité d’un spectacle de strip-tease mené par deux filles amateurs dans la chambre d’hôtel d’un Johnny qui s’ennuie autant que nous. Puis on verra un autre spectale de strip tease (filles grimées en tenniswomen) au même endroit, selon le même plan, provocant une réaction moins ennuyée de Johnny, mais qui ne nous amuse pas vraiment plus. Puis on verra le même Johnny, assis dans les tribunes d’une patinoire déserte pianotant son blackberry et regardant sa fille, réaliser son programme long (très long) sur la musique de Gwen Stefani : « Cool », (pas cool). Puis il s’ennuira en jouant à la wii, en baisant des meufs, en voiture, en hélico, bref… partout et tout le temps !

Il y a trois choses à sauver dans ce film : La photo clair-obscur façon Boy-A, la petite Elle Fanning qui joue adroitement Cleo et les deux chansons de Phoenix, l’une au début, l’autre… à la fin.

En revanche l’acteur principal, Stephen Dorff, est décevant et ça… c’est ballot. On était en droit d’attendre beaucoup de ce garçon au large front, aux lèvres fines et sévères, et au physique athlétique. Il avait tout pour camper la superstar hollywoodienne qu’il est censé incarner dans le film. Tout ? Non. Il lui manque l’essentiel : le charisme, le charme, le magnétisme et pourquoi pas la grâce. Ce qui est dommage parce qu’il apparaît à chaque plan et il nous campe le même visage inexpressif de chien perdu, même lors de ses apparitions publiques auprès des journalistes... Des hommes qui s’ennuient et qui recherchent du sens, il y en a à foison dans le cinéma contemporain : Lost in translation (Bill Murray dirigé par S.Coppola), L’homme qui voulait vivre sa vie (Romain Duris dirigé par E.Lartigau) et The Barber (Billy Bob Thorton dirigé par les frères Coen), et ces trois comédiens ont un visage qui dit quelque chose,bordel.

Là on a une réalisatrice qui n’a rien à dire, et un comédien qui est incapable de le dire. Dès lors ce film sur l’ennui n’est plus qu’une mise en abîme de notre propre ennui.

Pâle récompense.

mardi 5 octobre 2010

Yves Saint Laurent – Pierre Bergé , L’Amour fou




C’est marrant quand j’y pense, parce qu’en allant au cinéma voir ce documentaire, j’ai dû emprunter la rue Berger. Du nom d’un sombre préfet de Seine de la IIe République et non pas en référence à Michel Berger. Bref, tout ça pour dire que dans ce documentaire c’est de Pierre Bergé qu’il est question, de son union avec YSL. Enfin c’est ce que laissait entendre le titre qui avait retenu mon attention et titillé ma curiosité : « L’Amour fou ». Or le film est peu éclairant à cet égard. C’est ce qui m’a posé problème. Si le film choisit de ne pas privilégier le travail d’YSL, alors qu’au moins il explore en profondeur sa liaison avec P.Bergé et toutes ses conséquences… Las.

Le film s’ouvre sur l’émouvant discours d’YSL lors de sa conférence de presse d’adieu au métier de grand couturier qu’il exerça 45 ans avec génie. Déjà malade, on le voit lire un texte très beau, expliquant son choix devant un parterre de journalistes frémissants et d’appareils photos hurlant. Derrière ses épaisses lunettes, il garde la tête baissée sur ses notes qu’il dit avec émotion. Quelques secondes avant la fin de son intervention il se redresse et, à la lumière des flashs, son regard transperce la caméra. À cet instant, l’on comprend tout. La timidité maladive. L’extrême humilité. La mélancholie. La solitude. Et le génie artistique : YSL compte parmi ceux qui on le mieux compris leur époque, tout en étant incapable de s’y sentir bien. Ça veut bien dire quelque chose ça. En 2002, il décide d’arrêter parce que la mode a changé, et il ne s’y reconnais plus. C’est ce qu’on appelle être entier. À ce sujet, ce que dit Bergé est intéressant ; il cite O.Wilde : « Avant Turner, il n’ avait pas de brouillard à Londres », pour dire que les artistes voient avec clairvoyance ce qui reste invisible à nos yeux. D’où leur solitude. Aussi, YSL dit de lui-même en riant qu’il est né avec une dépression. De toute façon je crois qu’il était maniaco-dépressif, alors il n’avait pas bien tort en disant cela. Et cette extrême timidité… que c’est touchant. On le voit donner une interview à 21 ans, alors qu’il a réalisé son premier défilé pour la maison Christian Dior dont il reprit les rennes après la mort de son maître. Le journaliste lui demande s’il est content de cette création, il répond oui. Puis le journaliste lui demande combien de personnes sont chargées de dessiner les modèles présentés. Il répond « une seule » en baissant les yeux puis garde le silence. Et le journaliste de conclure : « et c’est vous ». Il regrettera plus tard de n’avoir pas eu l’insouciance de ses 20 ans, d’avoir eu trop de responsabilité trop tôt. C’est la rançon de la gloire… se voir confier à 21 ans la succession de la maison Dior, qui était la plus renommée à l’époque…

Le film se fonde quasi exclusivement sur le témoignage de P.Bergé qui accorde une large importance aux lieux, aux objets, etc. Du coup à aucun moment il n’éclaire le titre « L’Amour fou »… On a les détails de leur collection. On a les maisons de vacances. Mais on ne sait pas pourquoi ils se sont plu l’un l’autre, ni pourquoi ça a duré… Ou alors quelques bribes éparses. D’ailleurs, on trouve très peu de vidéos où apparait YSL. Il y a beaucoup de photos en revanche, mais ce n’est pas encore assez. Pour ce qui est du détail de leur maison au Maroc, on est servi… Le tout dans une image dont la qualité n’est pas excellente : entre la caméra DV et la caméra professionnelle. Dans les scènes d’intérieur avec peu de lumière, c’est pas joli. Par ailleurs le réalisateur aurait pu se passer des gros plans lorsqu’il filme P.Bergé dans son canapé : on est au cinéma que diable !

Mais qu’importe, pour ceux qui aiment YSL, ça vaut le coup. Ne serait-ce que pour cette scène où, alors qu’il a la trentaine, il répond à un questionnaire de Proust. Hilarre, à la question de savoir comment se composait pour lui le bonheur terrestre il répond : « Dans un lit… » (silence) « … bien rempli ». C’est un des seuls moment où l’on perce un tantinet le personnage. P.Bergé dit qu’YSL ne connaissait que deux moments de joie pleine et entière par an, à la fin des défilés, sous les acclamations. Le reste n’étant que travail et tourments. Dans une interview à une télé américaine (ce n’est pas dans le film), je l’ai entendu dire : « Even without me, YSL is a genious ». Heu ! oui merci, on s’en doutait. Vanitas vanitatum, et omnia vanitas.

En sortant du ciné, j’ai emprunté en sens inverse la rue Berger. Deux chats se regardaient en chien de faillence. Belle ironie de la langue française ! Deux chats noirs d’ailleurs. Plus loin deux femmes se croisaient. L’une portait un tailleur-pantalon et l’autre un jeans taille ultra basse avec string apparent et talons hauts (et chewing-gum). Le premier libère la femme, le second l’enferme en faisant rimer liberté avec vulgarité…

lundi 13 septembre 2010

Retour à Paris

Elles sont partout ! On les avait oublié le temps d’un été passé sous d’autres latitudes ou d’autres longitudes. Mais elles, elles sont encore là, à tous les coin de rue. Oh ! elle et ses congénères ne se cachent pas. Et pour cause : elles sont ici chez elles. Paris en est infesté. Je pense qu’on en compte presque autant que les rats ; mais elles, elles occupent davantage la surface du territoire parisien que ses sous-sols… privilège de leur rang, j’imagine. Aussi, à l’air libre, elles monopolisent l’espace public. Elles s’infiltrent dans le moindre interstice. Souvent solitaires, elles n’hésitent cependant pas à se déplacer en meute, notamment pour les activités de loisirs. Il faut bien voir que leur fonctionnement cognitif est ainsi fait qu’il leur permet de considérer le shopping comme un loisir. Et il semblerait selon une étude récente que la densité, la chaleur et le bruit qui accompagnent ce genre d’activité ne soient pas considérés comme des éléments perturbateurs qui amoindrirait le plaisir pris dans l’achat d’un boléro non soldé, mais « très bien pour aller avec mon pantalon beige ». On rappellera au lecteur que l’optention dudit boléro résulte d’une triple attente (activité qu’elles affectionnent particulièrement, car elle leur donne une bonne raison de faire la gueule) : Première attente pour accéder au portique sur lequel il est suspendu. Deuxième attente pour entrer dans l’une cabine d’essayage que le prix du mètre carré parisien a transformé en luxueuse rareté. La troisième attente pour avoir le droit de se délester en caisse du montant en Euro des articles sélectionnés. Se sent-elle mieux après un achat ? Devient-elle agréable ? Esquisse-t-elle un sourire ? Non ! Elle marche, seule ou avec une de ses congénères. Le pas est ferme, le menton haut, le regard loin et les intentions faussement bienveillantes. On l’appelle communément « la parisienne » ; enfin c’est ainsi que la nomme le grand Larousse ; substantif que ne vient nullement contester le petit Robert.
Malheureusement, aucun dictionnaire ne donne d’indication sur la manière d’éradiquer ce fléau tenace.
Alors quittez Paris: Fuyez !
Ou si vous restez...
… Bon courage !

mardi 29 juin 2010

Prendre l'avion.

Les rituels du transport par voie aérienne sont connus de tous ceux qui en ont fait l’expérience. Ce sont des choses dont on se rappelle très précisément parce qu’elles vont à l’encontre de toutes nos habitudes. : pour quelques heures de notre vie, nous acceptons de remettre les clés de notre destinée à un pilote d’avion. C’est au moment où l’on donne son numéro de carte bleu que tout est joué, même si on ne le réalise pas à ce moment là. Tout devient plus concret à l’arrivée à l’aéroport. On y arrive par voie terrestre : route ou rail. Ah ce qu’on est bien les pieds sur terre. Soudain, on les voit en pleine action ces aréopages : ils décollent, ils atterrissent. Ils ont l’air si léger. Ils se posent sur la piste avec la grâce d’un albatros qui longe l’eau pour y puiser poissons. Même le décollage n’apparaît pas comme un arrachement, mais comme l’envol d’un flamand rose en pleine Camargue sauvage. Et le ballet semble infini : décollage, atterrissage, décollage, atterrissage, comme une grande farandole.

Vient notre tour. Enregistrement des bagages. Passage des portiques de sécurité. Présentation aux portes d’embarquement. Montée dans l’avion. Bonjour au commandant de bord et au « reste de l’équipage » qui ne tardera pas à nous souhaiter un agréable voyage en leur compagnie. La déclamation des consignes de sécurité qui est toujours d’un comique efficace. Et puis il y a toujours ce délicieux moment où l’on nous apprend qu’en cas de dépressurisation de la cabine des masques à oxygènes tomberont et qu’il faudra tirer dessus pour qu’ils fonctionnent. Avec cette précision d’une sublime cruauté : « Veillez à disposer votre masque à oxygène avant d’aider les enfants qui seraient à vos cotés ». Puis c’est la ceinture de sécurité « jusqu’à l’extinction de la consigne lumineuse ».

Bref, jusque là tout va bien. Le décollage s’effectue. Et là les choses sérieuses commencent : la bouffe. En ce qui me concerne, lorsque intervient ce moment privilégié, je suis tiraillé par un double sentiment de jouissance et de déception. Quelle que soit la classe où je me trouve d’ailleurs. Jouissance d’abord parce que je ne puis m’empêcher de trouver ça extraordinaire de se voir servi un repas « chaud » alors qu’on file à près de 900km/h à une dizaine de kilomètre d’altitude. Pour moi c’est du domaine de la prouesse. Alors être là, quiché dans mon fauteuil à attendre la bouche en cœur qu’une dame vêtue d’un foulard bicolore autour du coup m’apporte des victuailles… cette situation m’emplit de joie. Et bien souvent, je constate que je suis le seul à accueillir avec chaleur le « personnel de bord ». Mais derrière ce sentiment, il y a toujours la constatation du désastre culinaire, du Waterloo gustatif, du juin-40 gastronomique. Même au plus profond de mon enfance, lorsque insouciants nous nous amusions dans la cour de récréation de l’école maternelle et primaire, je n’affectionnais pas le moins du monde de jouer à la dînette. Il va sans dire que c’est encore le cas aujourd’hui que je fais un mètre et 50kg de plus. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : jouer à la dînette. Le tout étant corsé par les secousses qui remuent l’avion de temps à autre et par le périmètre restreint du plateau sur lequel gît le repas. Lequel plateau étant habilement posé sur une tablette dépliable qui sort comme par magie de l’accoudoir. Bref, je défie quiconque de parvenir à se nourrir sur un tel château de cartes, sans provoquer de catastrophe. Et lorsqu’une catastrophe intervient, le pire est encore à venir : comment réparer la catastrophe sans faire empirer la situation. Autrement dit, comment, dans un espace aussi confiné, est-il possible de ramasser un petit poix tombé à ses pieds, sans renverser son jus d’orange ?

Puis le vol se poursuit, tout en perturbations, ceinture, queue aux toilettes, ceinture, lecture, extinction de la consigne lumineuse, tentatives d’endormissements ratées, mais tentatives réussies pour son voisin de gauche qui vous bave sur l’épaule adjacente. « Préparez-vous pour l’atterrissage ». Atterrissage. Attente. Sortie… Et… et l’essentiel…

Attente devant le tapis roulant qui fait défiler les bagages disposés en soute. Les valises sortent comme les numéros du loto. Certains ont du bol et choppent la première valoche qui sort, d’autres attendent une heure (oui une heure), d’autres sortent perdant et rentrent bredouilles, comme des maillons faibles, au revoir. Et tout le monde connaît cette règle, c’est la raison pour laquelle personne n’est vraiment détendu pendant cette ultime phase du voyage. Sauf les enfants qui crient partout. Alors nous on attend, patiemment. D’ailleurs, il arrive toujours un moment où l’on se dit que c’est perdu. Après 30 minutes, quand la majorité des passager s’est fait la malle… on commence à se sentir mal. Personnellement j’en viens toujours à penser que quelqu’un est parti avec ma valise et que j’attends pour rien. C’est long, long, long. D’autant plus long qu’inutile. On égrène toutes les choses indispensables qui se trouvent dans le bagage tant attendu. On se dit qu’une indemnisation au kilo ne fera pas le poids et qu’on perdra beaucoup de temps et d’argent à l’affaire. On se résigne. Augustes face à notre destin, on finit par regarder partir les autres sans jalousie. Puis, on veut faire diversion. On passe quelques coups de fil, on écoute de la musique. Mais la réalité et là, devant soi, matérialisée par une absence de valise. Un non-bagage qui ne tournicote pas sur le tapis roulant comme les affaires des autres passagers. Pourquoi moi ? On se le demande ça, hein. Mais pourquoi moi ? Voire, pour les adeptes de blasphèmes : Mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire au bon Dieu pour… etc. Est-ce une vengeance quelconque ? Et puis au bout du bout, il y a le miracle qu’on n’attendait plus. La valise finit par apparaître, comme la Sainte Vierge devant Bernadette. On la sert contre soi. On lui jure que plus jamais on ne se séparera d’elle. Puis on la fait traîner derrière soi sans plus d’attention qu’à l’accoutumée, parce que bon, c’est pas tout, mais nous on a un métro à prendre pour rentrer à la case.

jeudi 15 avril 2010

THÉÂTRE: "Colombe", de Jean Anouilh



S’il n’était pas mort, Anouilh aurait eu 100 ans cette année.
Colombe fut créée en 1951 au théâtre de l’Atelier.
Elle est reprise à la Comédie des Champs Élysées pour 4 mois, dans une mise en scène de Michel Fagadau

La pièce raconte l’histoire de… Colombe : une jeune femme mariée à Julien qui attend un enfant de lui. Seulement le jeune homme est pétri de principes et souhaite honorer la mémoire de son défunt père qui était officier. Aussi, il refuse de se faire réformer et s’aprête à aller effectuer son service militaire bien loin de Paris, l’empêchant de gagner assez pour entretenir sa femme et son enfant à naître. Peu avant son départ, dans le besoin, il entreprend de demander de l’aide à sa mère avec laquelle il entretient les pires rapports. C’est ainsi que l’on retrouve le jeune couple dans les coulisses d’un théâtre parisien. Oui, car sa mère s’avère être Mme Alexandra, l’une des deux plus grandes comédiennes de l’époque (en concurrence avec Sarah Bernardt). Au final plutôt que de leur verser de l’argent, Mme Alexandra trouve un rôle à sa belle-fille qui va donc connaître les joies et les rêves d’une jeune première, elle qui n’était promise qu’aux plus sombres destins avec un mari qui refuse de goûter aux joies qu’offre la vie. La candide et fidèle Colombe résistera-t-elle aux attraits de la vie d’artiste et aux avances de ses nombreux prétendants qui profitent de l’éloignement du mari ? À la faveur d’une courte permission, son mari rentre à Paris pour s’assurer de ce que son épouse est restée la même… Déconvenue pour lui, elle s’est émancipée. Pour lui un monde s’écroule, le monde clos qu’il avait bâti autour de leur seul couple mettant des oeillères à sa femme. Pour elle, un monde s’est ouvert, elle respire… Elle comprend qu’avant, elle ignorait qu’elle étouffait.

Voilà pour l’histoire, sur le papier. Mais ça ne suffit pas pour qu’une pièce soit réussie. Il faut que tout le reste suive. Et là c’est le cas : Mise-en-scène subtile, jolis décors (réalistes : coulisses d’un théâtre), belle lumière (qui éclaire bien^^), costumes réussis (bien dessinés et bien cousus) et… excellents comédiens : du premier au dernier rôle. Comme souvent ce sont les rôles des personnages les plus agés qui sont les plus denses et les mieux joués :
- La Surette (le secrétaire particulier de Mme Alexandra) : joué par Rufus dans un irrésistible style « bourvilien ».
- Desfournettes (le directeur du théâtre) : Extra
- Du Bartas (un vieux comédien) : Extra
- Mme George (habilleuse de Mme Alexandra) : Extra, exprime le bon sens populaire avec humour
ET :
- Poète-Chéri (l’auteur de la pièce qui est jouée dans la pièce) : Prix spécial du Jury pour Jean-Paul Bordes qui l’interprête. Il pousse son personnage très au-delà de ce que Anouilh pouvait imaginer et le fait ma-gi-stra-le-ment, avec un pouvoir comique sans borne.
- Mme Alexandra : Mention spéciale également pour Anny Duperey qui l’interprête tout en nuance, avec ce qui sied d’humour et toute la profondeur requise. (Le personnage de Colombe est joué par sa fille: Sarah Giraudeau)

Grâce à cette plongée au cœur du « boulevard du crime » (quartier de la capitale où étaient regroupés les principaux théâtres au XIXe siècle), on passe une excellente soirée. On se satisfait de voir triompher le désir sur la peur de vivre, et l’on s’effraie de voir en quoi ils sont fragiles et éphémères ces serments d’amour d’un jour et les "pour toujours". Certaines tirades raisonnent encore, longtemps après qu’elle furent prononcées : Comme Julien, au dernier acte : « En marchant dans les rues, je t’ai parlé tout ce soir, tout haut. Je t’ai tout expliqué. Les gens me regardaient, ils devaient croire que j’étais fou. Je les heurtais, je leur demandais bien poliment pardon et je continuais. C’est drôle : on peut très bien marcher, sourire, traverser les rues et être mort. Je suis déjà mort. »

Pour information :
3 Nominations Molières 2010 :
Molière de la comédienne : Anny DUPEREY (en Mme Alexandra)
Molière de la comédienne dans un second rôle : Fabienne CHAUDAT (en Mme George)
Molière du créateur costumes : Pascale BORDET