lundi 10 août 2009

Disneyland: prison dorée (suite)

17h23.
Crise d'hypoglycémie morale. Trop de musique sucrée, trop de décors sucrés, trop de personnages sucrés... Sentant le malaise m'envahir, je prends les devant. Il me faut m'extraire de cet environnement devenu dangereux. Or tous les sentiers sont tracés. Rien n'est laissé au hasard: impossible que t'en réchappe, ce sont les frères qui rapent tout. Assis sur un rocher en plastique, les mains négligemment posées sur une bande de gazon synthétique, je réfléchis. Il me faut prendre cette pause, il doit bien y avoir un endroit calme... naturel... Que faire? "Lève-toi et marche" me dit la petite voix de Gemini Cricket. Alors je m'enfonce dans "Adventureland"... ambiance de Far Ouest. Vais-je croiser Charles Bronson au détour d'un chemin? Suspense... Tiens, Indiana Jones est là. C'est le signe ultime qui me montre le chemin. Je ne trouverai mon petit coin de paradis qu'en menant la dernière croisade, rien ne me tombera dans le bec tout cuit. Alors je relève mes manches, resserre mes lacets et me redresse, le regard au loin. Un passage existe. C'est à moi de le trouver. Derrière moi un fast food, devant moi un chemin rempli de touristes, à ma gauche une forêt de bambous, à ma droite le lac des Pirates des caraïbes... Ne souhaitant pas faire trempette tout de suite, j'opte pour la forêt. Me voilà à quatre pattes à l'orée du bois de bambou de la belle au bois dormant. Ni une ni deux, je me faufile entre les tiges si régulièrement érigées. Je m'assure que je ne suis pas suivi. Heureusement, non. Ni Mickey, ni Picsou à mes trousses. J'avance sûrement. La musique sucrée de l'ami Walt demeure. Elle baisse en intensité, mais elle ne disparaît pas complètement. Je poursuit donc ma fuite en avant. Il doit bien y avoir quelque clairière, avec des lapins qui parlent, et sept nains, et même Blanche Neige... Mais non, pas de clairière. Rien. Tige après tige, d'espoir en déception, j'ai fini par tomber sur une palissade en béton. "End of the park. No Trespassing: Violators will be shot. Survivors will be shot again". C'était pas ça, mais c'est l'impression que ça m'a donnée. Dans Jurassik Park, les dinosaures sont cloîtrés entre des barrières électriques. Dans The Truman Show, Truman Burbank bute contre un ciel artifi...ciel. J'ai vécu une expérience similaire. Me frotter aux confins du monde magique. Sûr de ce que j'avais atteint le point le plus éloigné, je m'adossai contre ce mur et ouvris un bouquin (Le ventre de Paris) pour tenter de me libérer l'esprit. Je me retrouvai donc les pieds dans le monde fantastique de Disney SA, le dos contre la verticalité glacée de la réalité, et le regard plongé dans les halles grouillantes du XIXe siècle. Perdu dans cette triple dimension, j'en atteignais presque la quatrième.

Puis le temps fut venu pour moi de rejoindre les grands chemins. Je fis machine arrière Sauf que contrairement au petit pousset, je n'ai pas semé de petits cailloux. Et contrairement à Thésée, je n'ai pas tiré de fil d'Ariane. Du coup je ne suis pas sorti par où j'étais entré. Aladin, en pleine séance photo, ne cacha pas sa surprise en me voyant sortir du bois. Jaloux peut être de n'oser faire de même.

vendredi 7 août 2009

Nouvelle du purgatoire: Un Jour à Disneyland

62 eur. pour les 12 ans et plus. Guère moins pour les plus petits. Tel est le prix du rêve? Non. Ce n'est ni le prix ni le rêve. Ni le prix parce qu'une fois à l'intérieur les points de ventes s'intercalent tous les 3m environ et font automatiquement monter la note. Ce n'est ni le rêve (Cf. l'information précédente qui donne vite la nausée).

Voilà la vision cynique et largement répandue. Je la partage en grande partie. À ceci près que, pour les enfants, c'est quand même quelque chose de voir tous les personnages de leurs dessins-animés favoris évoluer dans un univers féerique (dieu me garde d'employer ce mot éculé à nouveau, mais bon, ça s'applique bien au cas présent).
La Belle au bois dormant est passée à 2m de moi sans que ça ne me fasse ni chaud ni froid. À la regarder, je ne voyais quel'intermittente du spectacle qui sue sang et eau dans son épais costume pour le SMIC horaire dans le but de donner/vendre du rêve. La gamine que j'avais à côté, elle, avait les yeux qui pétillait d'émotion. Je passe ici sur la nécessité ou non de laisser les fillettes s'identifier à des princesses, au risque de s'apercevoir à 35 piges que le prince charmant prend davantage les atours d'un Pumba que d'un jeune premier. Le fait est que! Oui, le fait est que tous ces gosses passent de l'autre côté du miroir, au sens Alice au Pays des merveilles du terme. Ils entrent dans le dessin-animé. Dans un univers merveilleux, Michael Jacksonesque où tout le monde il est beau (tout le monde il est gentil). Eux y entrent à la minute où, assis sur le siège arrière de la voiture, ils voient flotter au loin le drapeau Disney. Moi pas. Peut-être aussi parce qu'en guise de carrosse, je suis venu en RER et que les gentilles souris qui couraient entre les rails ne m'ont pas aidé à repriser un vêtement, mais ont préféré s'attarder sur un reste de banane. Une fois dedans, ma foi, on s'y fait. Bien sûr il y a la gentille musique hurlante à chaque pas que l'on fait. La présence en tel nombre de haut parleur donne l'impression d'un orwellien 1984. Impression étayée par l'omniprésente armée de gentils organisateurs disney: vendeurs (glaces, textile, etc., etc., etc.), serveurs, orienteurs, metteurs de ceintures, contrôleurs de hauteur d'enfant, danseurs, pilote de manège, balayeurs, annonceurs de parade, sans parler des personnages eux-mêmes, à savoir que j'ai croisé 3 Mickey différents (ne me demandez pas à quoi j'ai bien pu voir que ce n'était pas le même qui s'était déplacé, j'ai mené l'enquête). On ne peut s'empêcher de se demander ce que c'est que le pire: vendeur dans un fast food, preneur de photos, approvisionneur de bouteilles d'eau ou personnage en costume de velours par du 40° à l'ombre... Il y a concurrence dans l'horreur, dans la répétitivité et dans la souffrance physique (et morale). Trois danseurs sont tombés en pleine parade (leur 5e de la journée) et ce n'était pas en hommage au présidentiel malaise vagal. Le plus professionnel d'entre eux conserva son sourire, même lorsque sa pommette gauche s'enfonçait dans le gentil bitume en fusion.

Trève de cynisme, certaines attractions procurent des sensations fortes et remuent l'estomac convenablement. C'est la brave récompense offerte aux courageux qui s'infligent des files d'attente à répétition tellement longues qu'on envie presque le rayon boucherie du Leclerc un jour de Noël. Oui, c'est ça, on en vient presque à regretter le bon vieux système du ticket des Préfectures, CAF et autres CPAM qu'en temps normal on abhorre. 100 minutes d'attente... Bon bah va pour 100 minutes. On est là pour ça, non? On ne va pas continuellement marcher autour des attractions.

Demain je vous raconte comment j'ai tenté de réchapper aux griffes du monde de Mickey.

mercredi 5 août 2009

Obama, vous et moi...


Il s'agit de Barack Obama à 25 ans. Il ne sait pas encore qu'il deviendra Président des États-Unis. Il a l'air d'être quelqu'un de normal. Il est certainement ambitieux. Le révèle-t-il à son entourage? Probablement pas.

Dès lors, cette question: avons-nous un Barack-Obama-en-devenir dans notre entourage?
Statistiquement, il y a peu de chances.
Mais si tel est le cas. Si l'on sent qu'on a un Barack Obama dans son entourage. Que faire?
Rester calme. "Act natural". Prendre plein de photos. Multiplier les souvenirs communs. L'idéal étant quand même de trouver un moyen (ou un autre) de lui sauver la vie. Si possible réaliser un cliché ou une vidéo de la scène mythique. Obtenir (de la part de l'intéressé) des remerciements écrits, datés et nominatifs.

Il est quand même difficile de s'imaginer que les grands de ce monde sont des personnes comme tout le monde. Et pourtant ils sont des personnes comme tout le monde. Ce qui ne veut pas dire que toutes les personnes comme tout le monde pourraient occuper les postes les plus prestigieux. C'est donc bien qu'il y a une différence. Au même titre qu'Hitler était un être humain et pas un Lucifer sorti des entrailles de la Terre, Obama n'est pas un Messie II. Enfin un Messie III (la revanche), compte tenu du fait que le Christ fut un Messie I par sa naissance à Nazareth, et un Messie II (le retour) par sa résurrection à Jérusalem.
Amen.

mardi 4 août 2009

Recule, recule, recule... Prisme lunaire !

Vu d'ici on aurait presque envie de se dire que si tous les hommes se tenaient par la main... Ils éviteraient de se mettre sur la gueule.

Zola, L'Oeuvre: "Quand la terre claquera dans l'espace comme une noix sèche, nos oeuvres n'ajouteront pas un atome à sa poussière"

17h50, Rue de Rivoli, devant l'Hôtel de ville.

En ce mois d'août, sous les closes persiennes des hausmaniennes rues parisiennes... peu de circulation. Oh il y a bien quelque clio perdue, quelque peugeot qui ne peut réprimer l'envie d'exposer sa pimpante carrosserie aux regards du chaland. On trouve, ça et là, une brochette de taxis aigris et gris. La clameur nous parvient de la rue voisine: deux smarts se battent en duel. Plus loin un trio de vélos roule en enfilade. Il ne fait pas très chaud. Lutèce entame août le sourire aux lèvres. Heureuse de s'adonner au tout venant. ils viennent de partout les passants qui cheminent dans Paris. Des étrangers bien sûr. Mais surtout des provinciaux. En ce 4 août, c'est important. Pour tout français la Capitale reste l'écrin principal dans lequel s'enchâsse l'histoire de notre pays. Et, il y a 220 ans, 500 de nos aïeux s'époumonaient au Palais Bourbon duquel il sortait, grosso modo, l'abolition des privilèges. On peut légitimement se demander par quel fin stratagème lent et lancinant ceux-ci semblent être revenu à la vitesse du boomerang. Pas les même bien sûr, mais d'autres, et encore plus injustes... Bonus (boni?), paquets fiscaux, and co. Mais ce n'est pas le propos. Revenons en 2009. Paris est là. Debout. Droite même. Belle dans sa chaleur. Belle sous son absence de soleil. Belle sous ce nappage blanc qui la surplombe. Belle dans sa maturité. Le pavé lisse. Le monument vif et bien dressé. La façade ravalée. Le trottoir propre. Autant dire que Paris a de la gueule en ce 4 août. On est peu... mais on est bien... (tintin!). On est tellement peu que quand le feu passe au rouge et que personne ne traverse la rue de Rivoli on se sent... seul... seul mais bien !

La scène se passe rue de Rivoli, au niveau de l'Hôtel de Ville. Le feu est rouge. Devant le feu les gens sont roses (oui le soleil estival a commencé à brunir les peau. chacun ayant travaillé son mélanome comme il se doit). Et qui y a-t-il donc devant ce feu qui tarde à verdir? Moi (vélib) à l'extrême gauche (oui car je tourne à gauche à la prochaine - Je sais, je suis béton en placement sur la chaussée), un vélo (au centre), deux scooters en enfilade, puis, à l'extrême droite (dans le couloir de bus) trône une voiture (une 306 je crois). Et bien sûr des passants éparpillés un peu partout sur le passage clouté. Jusqu'à présent, pas de quoi en faire un foin. Eh bien je vais vous dire d'où le foin est parti... Des deux scooters. ! (si, si). Depuis environ une minute ils avaient l'air de converser, en se faisant vaguement des reproches. Enfin, c'est l'impression que ça donnait, de loin. Soudain, à la surprise général le conducteur scooter de derrière se lève et se jette sur son voisin de devant... Pourquoi? Pour lui arracher la tête - ou au moins le casque dans un premier temps. Alors on se retrouve à regarder deux gars encasqués en train de s'étriper. Les voilà qui se roulent par terre, sur le macadam en fusion. Les deux scooters rejoignent également le niveau de la mer et, par je ne sais quel mécanisme fou, se mettent en branle, les roues arrière s'agitent, les deux scooters semblent se rebiffer. En tout cas les deux zigotos n'en ont cure, trop occupés qu'ils sont à se dévisser la tête l'un l'autre.

Que faire?
C'est tout l'objet de la présente méditation. Scooter boy numéro deux transporte une amie qui ne sait pas trop comment intervenir. le chauffeur de taxi est déjà à deux pas en train de compter les points. Moi je suis là, à l'autre bout de la chaussée avec mon vélib pourri (oui cette fois-ci je suis tombé sur une avarie de type 3, c'est-à-dire freins qui frottent et t'obligent à pédaler deux fois plus). À califourchon sur mon bicycle, j'assiste éberlué à ce surprenant spectacle. Ma première impression est: "comment en sont-ils arrivés là?" Et je ne vois pas d'autre réponse que la suivante. Un premier a commis une incivilité au second en roulant. Le second lui exprime son mécontentement. Le premier fait mine de ne pas savoir de quoi il retourne. Le second ne veut rien lâcher... il quémande un mot d'excuse. L'autre le lui refuse, par vaine fierté. Par la même vaine fierté le second insiste. Le premier pose sa main sur l'épaule de l'autre. Chacun pose ses mains pour voir si l'autre renchérit. Et c'est l'escalade. La tension monte. Chacun a fini par se convaincre que son honneur ne serait lavé qu'une fois que l'autre sera battu. C'est quoi "être battu" et "battre l'autre" dans ces cas-là? Chacun a son échelle de valeur. Ainsi, chacun met sur la gueule de l'autre, à poing nu.

La fille qui se faisait transporté a fini par retenir son ami je crois... Fallait-il retenir qui que ce soit? Et qui? Pour rétablir l'équilibre de l'univers, ne fallait-il pas que l'un et l'autre finissent par savoir qui des deux était le plus fort en lutte à main nu. Et les troubles à l'ordre public? Et les dommages qu'auraient pu causer les scooters en furie... Ou alors la fille était-elle au centre du conflit? Dans tous les cas le jeune mâle qui partageait son scooter avec une femelle se devait de montrer qu'il n'était pas couard...
Amour, Honneur, Passion...

Devant mon absence de réponse, faisons parler Corneille (Le Cid):
"Les affronts à l'honneur ne se réparent point"
"Tu t'es en m'offensant montré digne de moi; je me dois, par ta mort, montrer digne de toi"