mardi 4 août 2009

17h50, Rue de Rivoli, devant l'Hôtel de ville.

En ce mois d'août, sous les closes persiennes des hausmaniennes rues parisiennes... peu de circulation. Oh il y a bien quelque clio perdue, quelque peugeot qui ne peut réprimer l'envie d'exposer sa pimpante carrosserie aux regards du chaland. On trouve, ça et là, une brochette de taxis aigris et gris. La clameur nous parvient de la rue voisine: deux smarts se battent en duel. Plus loin un trio de vélos roule en enfilade. Il ne fait pas très chaud. Lutèce entame août le sourire aux lèvres. Heureuse de s'adonner au tout venant. ils viennent de partout les passants qui cheminent dans Paris. Des étrangers bien sûr. Mais surtout des provinciaux. En ce 4 août, c'est important. Pour tout français la Capitale reste l'écrin principal dans lequel s'enchâsse l'histoire de notre pays. Et, il y a 220 ans, 500 de nos aïeux s'époumonaient au Palais Bourbon duquel il sortait, grosso modo, l'abolition des privilèges. On peut légitimement se demander par quel fin stratagème lent et lancinant ceux-ci semblent être revenu à la vitesse du boomerang. Pas les même bien sûr, mais d'autres, et encore plus injustes... Bonus (boni?), paquets fiscaux, and co. Mais ce n'est pas le propos. Revenons en 2009. Paris est là. Debout. Droite même. Belle dans sa chaleur. Belle sous son absence de soleil. Belle sous ce nappage blanc qui la surplombe. Belle dans sa maturité. Le pavé lisse. Le monument vif et bien dressé. La façade ravalée. Le trottoir propre. Autant dire que Paris a de la gueule en ce 4 août. On est peu... mais on est bien... (tintin!). On est tellement peu que quand le feu passe au rouge et que personne ne traverse la rue de Rivoli on se sent... seul... seul mais bien !

La scène se passe rue de Rivoli, au niveau de l'Hôtel de Ville. Le feu est rouge. Devant le feu les gens sont roses (oui le soleil estival a commencé à brunir les peau. chacun ayant travaillé son mélanome comme il se doit). Et qui y a-t-il donc devant ce feu qui tarde à verdir? Moi (vélib) à l'extrême gauche (oui car je tourne à gauche à la prochaine - Je sais, je suis béton en placement sur la chaussée), un vélo (au centre), deux scooters en enfilade, puis, à l'extrême droite (dans le couloir de bus) trône une voiture (une 306 je crois). Et bien sûr des passants éparpillés un peu partout sur le passage clouté. Jusqu'à présent, pas de quoi en faire un foin. Eh bien je vais vous dire d'où le foin est parti... Des deux scooters. ! (si, si). Depuis environ une minute ils avaient l'air de converser, en se faisant vaguement des reproches. Enfin, c'est l'impression que ça donnait, de loin. Soudain, à la surprise général le conducteur scooter de derrière se lève et se jette sur son voisin de devant... Pourquoi? Pour lui arracher la tête - ou au moins le casque dans un premier temps. Alors on se retrouve à regarder deux gars encasqués en train de s'étriper. Les voilà qui se roulent par terre, sur le macadam en fusion. Les deux scooters rejoignent également le niveau de la mer et, par je ne sais quel mécanisme fou, se mettent en branle, les roues arrière s'agitent, les deux scooters semblent se rebiffer. En tout cas les deux zigotos n'en ont cure, trop occupés qu'ils sont à se dévisser la tête l'un l'autre.

Que faire?
C'est tout l'objet de la présente méditation. Scooter boy numéro deux transporte une amie qui ne sait pas trop comment intervenir. le chauffeur de taxi est déjà à deux pas en train de compter les points. Moi je suis là, à l'autre bout de la chaussée avec mon vélib pourri (oui cette fois-ci je suis tombé sur une avarie de type 3, c'est-à-dire freins qui frottent et t'obligent à pédaler deux fois plus). À califourchon sur mon bicycle, j'assiste éberlué à ce surprenant spectacle. Ma première impression est: "comment en sont-ils arrivés là?" Et je ne vois pas d'autre réponse que la suivante. Un premier a commis une incivilité au second en roulant. Le second lui exprime son mécontentement. Le premier fait mine de ne pas savoir de quoi il retourne. Le second ne veut rien lâcher... il quémande un mot d'excuse. L'autre le lui refuse, par vaine fierté. Par la même vaine fierté le second insiste. Le premier pose sa main sur l'épaule de l'autre. Chacun pose ses mains pour voir si l'autre renchérit. Et c'est l'escalade. La tension monte. Chacun a fini par se convaincre que son honneur ne serait lavé qu'une fois que l'autre sera battu. C'est quoi "être battu" et "battre l'autre" dans ces cas-là? Chacun a son échelle de valeur. Ainsi, chacun met sur la gueule de l'autre, à poing nu.

La fille qui se faisait transporté a fini par retenir son ami je crois... Fallait-il retenir qui que ce soit? Et qui? Pour rétablir l'équilibre de l'univers, ne fallait-il pas que l'un et l'autre finissent par savoir qui des deux était le plus fort en lutte à main nu. Et les troubles à l'ordre public? Et les dommages qu'auraient pu causer les scooters en furie... Ou alors la fille était-elle au centre du conflit? Dans tous les cas le jeune mâle qui partageait son scooter avec une femelle se devait de montrer qu'il n'était pas couard...
Amour, Honneur, Passion...

Devant mon absence de réponse, faisons parler Corneille (Le Cid):
"Les affronts à l'honneur ne se réparent point"
"Tu t'es en m'offensant montré digne de moi; je me dois, par ta mort, montrer digne de toi"

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