mercredi 3 février 2010

Quête du Graal. Episode I.

Je me souviens quand j’étais petit, en colonie, y’a un de nos moniteurs qui avait perdu sa montre Boss lors d’une ballade en forêt. Il était plutôt mécontent, pour le dire poliment. Alors le lendemain on avait tous refait le même trajet et il nous avait dit de regarder un peu par terre si toutefois on ne retrouvait pas sa putain de montre. Alors on s’était tous mis en ligne, et on avait marché, marché. Les plus téméraires remuaient tous les fourrés des fois que ladite montre s’y fut fourrée. Les plus fainéants regardaient leurs chaussures en avançant et faisaient mine d’écarter trois branchages lorsque le moniteur s’approchait. Face à l’échec de nos recherches le pauvre homme déballa l’artillerie lourde et nous sortit une carotte plus grosse que lui. Ce que je veux dire par là c’est qu’il promit une récompense à qui trouverait son cher bijou de famille. Enfin, ce que je veux dire par là c’est qu’il a trouvé un moyen imparable pour motiver ses jeunes troupes. Qui retrouverait sa montre serait récompensé d’un cadeau. Et c’est là que le bât blesse. Alors que nous bavions tous en attendant de savoir de quoi il retournait, eh bien il ne retourna de rien de bien follichon. Pour tout trophée à de nombreuses heures de recherche, l’heureux gagnant se voyait offrir deux boules de glace.

Voilà ! Fin de l’histoire. Je peux juste vous dire que 99% des 13 enfants qui composaient le groupe étaient ravis de cette arnaque. Il n’y eut que moi pour ruminer intérieurement combien je trouvais la récompense incommensurablement minable au regard de l’enjeu qui se montait à plusieurs centaines de francs français. Oui c’étaient des francs à l’époque. Ah, et tiens ! Puisque nous y sommes. Petit point technique avant de poursuivre. N’essayez pas de vous livrer à un produit en croix mêlant 99, 100 et 13. Vous ne parviendrez pas à un nombre rond d’enfants. C’était histoire de donner un ordre de grandeur dans l’absurdité de la chose. Etais-je le seul à penser cela, ou bien est-ce que tous les autres enfants le pensaient aussi et feignaient de sauter de joie pour je ne sais quelle raison… pour faire croire aux adultes qu’ils sont bien stupides et dociles. Mais tout de même, un instant de lucidité, merde. De nos yeux d'enfants... cette recherche de la montre magique, c'était d'une importance au moins égale à une quête de Graal. Or c'est bien plus que deux misérables boules qui étaient promises au Roi Arthur en cas de succès. Il s'agissait quand même de la vie éternelle, quoi. Alors merde. Fuck les deux boules. Les deux boules, pour le Roi Arthur, c'était une mise en bouche quoi, un vulgaire apéritif, pas une fin en soi. Nous on nous a vendu les deux boules comme l'aboutissement de la longue quête. Je suis désolé, mais non. Non!

Pourquoi cette histoire maintenant ? Quel rapport avec la choucroute ? Et quelle morale en tirer ? Eh bien tout ça pour dire que parfois on nous prend pour des cons et que comme personne ne le dit, on finit par se sentir seul et on se pose LA question qu’il ne faut jamais se poser.
Suis-je fou ou bien est-ce tout le monde autour de moi qui est fou ?
Cette question, autant que possible, il convient de la bannir de ses pensées. Elle est mortelle. Alors, devant la folie du monde, devant le tohu bohu post-moderne qui nous entraîne dans son délire, il nous faut quelqu’un/quelques uns pour dire en mots intelligibles ce qui se passe. C’est aussi simple que cela. Sans cela, face à l’absurdité du monde et face au silence de ses contemporains, la fourmi que nous sommes n’a plus qu’à se jeter du haut du trottoir…

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