mercredi 24 mars 2010

THE CRANBERRIES @ Le Zénith de Paris


Au préalable: Petite Bio perso des Cran’ :

En 1990, deux frangins irlandais (guitare et basse) flanqués d’un troisième laron (batterie) s’essaient au rock parodique sous l’impulsion d’un quatrième comparse auteur/chanteur qui écrit des chansons du style : « Ma mère s’est noyée dans une fontaine à Lourdes ». Ce fou furieux s'imagine que le groupe est sans avenir. Il se fait la malle et avant de partir leur conseille ad’auditionner Dolores O’ Riordan. Banco ! La demoiselle séduit vocalement les 3 irlandais. En plus elle écrit des textes.
En 1990, sur leur première cassette démo, on trouve deux titres : Linger et Dreams. Deux réussites, pourtant s’ensuivront trois années de galère…
Premier album sorti en 1993 qui n'est pas un grande réussite. La consécration arrive en 1994 avec le sublime « No need to argue » dont le single « Zombie » traite de la guerre civile en Irlande du Nord. S'ensuivent trois autres albums.
Entre 1993 et 2001, le groupe sort 5 albums qu’il vend à près de 40 millions d’exemplaires, dont la moitié grâce à « No need to argue ».
En 2003 Dolores annonce que le groupe fait une pause car ils sont fatigués. Elle enregistre un album. Fait une tournée. Puis un autre album. Et là, PAF, elle ne fait pas de tournée solo, mais annonce qu’elle repartira en vadrouille avec ses trois potes.
Entre novembre 2009 et octobre 2010, 40 dates sont prévues en Amérique du Nord et Sud (dans des salles de taille modeste) et 40 en Europe (dont 18 zéniths en France, ce qui est considérable mais à la hauteur de l’amour que l’Hexagone voue au groupe – qui le lui rend bien).
À l'issue de ces dates le groupe sortira un sixième opus et repartira en tournée.


22 mars 2010 : The Cranberries au Zénith de Paris

Cette date est complète depuis 5 mois. Et comment ! Les Cranberries reviennent après 7 ans d’absence dans une salle à la hauteur du groupe sans atteindre les proportions inhumaines du POPB-Bercy. Dans le public, tous les publics. Tous les sexes, tous les ages. Dolores n’a pas 40 ans. On en trouve qui ont son age, quelques-uns sont même plus agés. Le gros des troupes est trentenaire. Beaucoup sont vingtenaires comme votre serviteur et ont écouté les Canneberges à la radio lorsqu’ils étaient au collège/lycée. À l’époque cette musique plaisait à tout le monde, on enregistrait les morceaux sur cassette audio et on achetait les singles. Il n’y avait pas Internet, ni youtube, ni deezer, ni téléchargement légal, ni téléchargement illégal. Quelques-uns dans le public ont moins de 20 ans, ils sont venus en bande et ont probablement découvert le groupe sur jiwa.fr. Les filles sont beaucoup trop maquillées et pensent être désirables dans des hauts en lycra beaucoup trop ceintrés. Les garçons peinent à s’extirper du mal-être acnéique et de l’enferaillement dentaire auquel ils sont acculés. Pourtant ils sont là et vibrent aux mêmes chansons que moi à leur age. C’est un peu magique.
PS : Constat empirique : le public des Cran’ est plus petit que celui de Depeche Mode (qui fut mon dernier concert). Autant vous dire que quand tout le monde fait une tête de moins que soi et qu’on est plein centre et au 10e rang de la fosse, c’est du gateau, de la tarte, de l’or en barre.

Je fais court sur la première partie : Richard Walters. C’était gentil, en dépit de ses accents un peu trop JamesBlunt-iens que venait modérer un violoncelle aux délicieuses sonorités irlandaises qui permettaient de « se mettre dans le bain gaélique ». Après un set d’une huitaine de chansons, ils s’en vont. Le public applaudit. Et là mon voisin de gauche, d’habitude lourdeau dans ses analyses établit un constat implacable : « ce qui est terrible c’est que le groupe ne sait pas si on applaudit parce qu’on a aimé ou parce qu’on est content qu’ils se taisent ».

Le noir se fait. Les technicos s’activent. Le noir se défait. L’immense voile (noir) tombe. En fond de scène, on découvre des panneaux argentés suspendus sur trois niveaux qui créent une ambiance un peu électrique. C’est assez neutre, mais plutôt réussi et sert de support aux projecteurs pour créer des ambiances différentes. Le batteur s’installe au fond, les deux frères à gauche (guitariste) et à droite (bassiste), tandis qu’un musicos est là, en sus, à l’extrême droite avec un synthé et tout un tas d’autres instruments annexes. Dolores balaye le front de scène pendant l’heure quarante que dure le concert.

« Analyse » ouvre le bal. Tonique, vivant, irlandais, rock, ce titre donne le ton. Le public connaît, le public apprécie. Aérienne, la voix de Dolores tranche avec les instruments qui l’accompagnent. Son aspect à la fois diaphane et puissant me percute. Il n’aura de cesse de me percuter sur chaque chanson. Parce qu’elle les a écrites et qu’elle les a souvent éprouvées sur scène, Dolorès bénéficie d’une totale liberté dans l’adaptation scénique du répertoire. Elle fait chanter le public au bon rythme, de sorte que les chansons ne sont pas dénaturées : « You are with us. We are with you » répète-t-elle à plusieurs reprises, comme un leitmotiv (à l’image du titre « you and me » chanté en rappel). Elle s’exprime beaucoup entre les morceaux et quasi-systématiquement en français. Elle explique l’origine de l’inspiration d’une chanson « Animal instinct » fut écrite à la naissance de sa première fille. « Just my imagination » est une autre chanson post-natale sur le sacrifice de ses grasses-mâtinées des dimanches de gueule de bois. « Linger » fut la première composition du groupe. « When you’re gone » qui change de signification avec le temps et lui évoque aujourd’hui ses grands-parents disparus. Voilà le genre d’interactions qui font que le groupe n’est pas une machine à jouer de ville en ville et à engrenger des dollars, mais un artiste qui rencontre son public, avec sa sensibilité et selon l’humeur du jour. Dolores a une approche très physique de ses chansons et me laisse la même impression que Catherine Ringer (à la Cigale) il y a quelques temps. Les chansons ont un sens, et l’explication de texte passe aussi par le corps, une façon d’onduler, de marteler, de souligner un mot avec le poing ou la main ouverte. Ces deux femmes ont une approche plus nuancée des morceaux ; douceur n’est pas synonyme de faiblesse et n’est pas antinomique avec la révolte intrinsèque que représente ce mouvement musical. Ce n’est pas un rock viril débile, mais plus un cri à la fois brut et contrôlé. I like.

Les tubes s’enchaînent sans discontinuer, piochés principalement dans les deux albums les plus denses : « No need to argue » et « Bury the hatchet ». Pas rencunier, le groupe joue même « Ordinary day » que Dolores a sorti sur son premier album solo. Ils (les 4+1 larons) ont l’air de bien s’entendre sur scène. Musicalement, les interprétations montrent que les répétitions se sont bien déroulées. La magie fonctionne sur chaque morceau. Et 1h10 après le début, les premiers accords de Zombie résonnent dans le Zénith. Le public assis se lève et la fosse, déjà debout, lève les bras. Transe collective pour ce qui est l’hymne du groupe. Un hymne, tout le monde le connaît, il fait l’unanimité et transcende la salle entière. Pour U2, c’est Sunday Bloody Sunday, pour Mylène Farmer, c’est Désenchantée, pour les Rita, c’est Marcia Baila, pour Depeche Mode c’est Enjoy the Silence, et pour les Cranberries c’est Zombie. Ils ont pu se permettre de le jouer en dernier (avant les rappels) parce qu’ils ont plus d’un tube punchy dans leur sac à jouer avant et que le public n’a pas attendu Zombie pour être galvanisé par une chanson. Toujours est-il que c’était du délire. Évidemment version extended, dark à souhait et participative (what else ?). Autre particularité d’un hymne, il échappe un peu au groupe, le sens des paroles s’est dissipé. Chacun a trop entendu la chanson pour feindre de la redécouvrir en concert. Alors, il s’agit juste de se laisser bercer par l’instant. Apprécier l’harmonie de chaque note qui s’enchaîne selon un ordre magique qui nous fait revivre les moments où on l’a écouté cette chanson, où elle s’est associée à mille événements de sa vie, on était partout et à tous les moments. Cette chanson mille fois est revenue. On était seul chez soi, sur la moquette de sa chambre d’ado, dans la voiture, dans un TGV de nuit traversant la campagne, à l’autre bout du monde, hier encore au réveil ou sous la douche, dans le trajet en métro menant jusqu’à ce concert, en hésitant entre telle ou telle paire de rollers chez Go sport, après une rupture, avant une rupture, après une rencontre, avant, pendant, un jour d’anniversaire, un soir de pleine lune, en clip sur MTV, au détour d’un sourire, à l’ombre d’un chêne, au creux d’une épaule, dehors, dedans, ici, partout, et l’on ne sait plus, mais tout ça s’accumule, sédimente, et donne… du relief, à une chanson qui parle de tout sauf de ça, elle parle de guerre de morts, de haine, et pourtant elle donne du baume au cœur, parce qu’elle nous accompagne ; morbide compagnon, mais compagnon quand même ; fidèle comme une ombre, chaude comme un cœur amoureux et éternellement jeune et douce comme un sourire ami. En la jouant sur scène, il n’est pas impossible que le batteur en est la nausée, mais rien ne transparaît, la chanson se (re)constitue sous nos yeux comme au premier jour et se répercute en chacun de nous selon nos histoires respectives, avec la certitude toutefois que nous ajoutons là tous ensemble la même couche, et pas des moindres : une version live d’un groupe qui revient après 7 ans d’absence avec une Dolores en pleine possession de son incomparable voix. À la fin de cette chanson le groupe salue.

Le public se déchaîne pour rappeler les quatre irlandais, qu’il accueille au bout de 4 minutes en secouant des ballons aux couleurs de l’Irlande. Dolores apprécie. Elle chante « Shattered », « You and Me », « The journey » et… « DREAMS » (écouter ci-après et ci-contre). Cette ultime chanson est ma préférée. Tonique, vivante, irlandaise, rock, elle clôt magnifiquement le concert, comme « Analyse » l’avait commencé. Du grand art. Chapeaux bas les artistes.

PS : la playlist complète du concert est à
- lire ici : http://www.setlist.fm/setlist/the-cranberries/2010/le-zenith-paris-france-3d4a133.html
- écouter ici : http://www.jiwa.fr/#playlist/559809
(les chansons après « Dreams » n’ont pas été chantées au concert, mais méritent tout de même d’être écoutées)

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Toutes les infos sur les Cranberries,c'est sur http://www.prettydolores.fr

Anonyme a dit…

J'étais aussi au concert, et tes mots retranscrivent très bien ce qui a été vécu ce soir-là. Je les écoute depuis 1994, et chaque chanson, comme tu le dis, réveille un moment de ma vie. Je ne pensais jamais avoir la chance de les revoir !

Unknown a dit…

Bonjour, je voudrais connaitre le nom du groupe qui était en 1er partie des cranberries le 31-05-2010 à 20h00 au Zenith de Paris.
J'ai vraiment du mal à retrouver leur nom...si je pouvais avoir un "tuyau"...
Merçi

Parisgayzik a dit…

Très sympa ce résumé.

Le chanteur en première partie était Richard Walters.

Pour ceux qui n'y étaient pas ou ceux qui veulent se souvenir, on a écrit un autre résumé du show : http://www.parisgayzik.com/blog.php?nom=Cranberries_au_Zenith_de_Paris_le_22_mars_2010&num=64.