vendredi 10 avril 2009

Le crime de l'Orient-express

Ce diable avait deux ans
Il n'était pas très grand.
Apparence angélique
Esprit machiavélique;
Remonté des enfers
Et ne sachant que faire
Il entra dans un train
Malheur... ce fut le mien !



A la minute où je me suis assis à ma place dans le train il a crié, il a gémi, il a gesticulé. Ce n'est pas dramatique me direz-vous. Certes, non. Le drame absolu, c'est que ma place fut numérotée, comme la sienne et que nous fumes condamnés à nous faire face pour 3 longues heures. Oui! Nous faire face. Ô joie des tables dans les TGV, quelle brillante idée...
SNCF: à nous de vous faire détester le train.

Week end de Pâques oblige, Paris se vidait comme une dinde et chacun rejoignait sa province de coeur, sa province natale, sa province d'adoption. Pour les plus chanceux ladite province regroupait les trois attributs.

Mon malheur à moi tenait en trois lettres: Tom. Sa province à lui était la même que celle de sa mère assise à côté et ne devait pas être bien éloignée de la mienne. D'où le trajet en commun.

Moi: "Grand dieu qu'ai-je fait pour mérité ça? Pourquoi diable hurle-t-il "un train" à chaque fois qu'il en voit un et même quand il n'en voit pas? Pourquoi les coups de pieds? Pourquoi les pleurs? Pourquoi systématiquement tout renverser sur mes affaires? Et surtout, pourquoi est-ce que sa complice de mère est-elle laissée en liberté? N'a-t-elle trouvé rien d'autre pour le calmer qu'un DVD dont tout le monde profite du volume sonore? Pourquoi est-ce qu'elle essuie la table avec la main quand le mioche éternue? Pourquoi est-ce que tout ça l'amuse?"

Lui: "One rule: No rule. Je parle fort si je veux et j'hurle si je veux. Quand je tombe ma mère me relève, la bienveillante. Quand je pleure, elle sèche mes larmes, la brave femme. Personne ne me dit qu'il n'en sera pas toujours ainsi."

Ce qui me gène moi, c'est ce que j'ai pensé. Je le confesse ici. J'ai pensé mal. Très mal. Pour tout dire j'ai voulu prendre la tête du gosse et l'exploser contre le coin cette maudit table qui le séparait de moi. Et quand je dis exploser, c'est bien exploser. J'aurais voulu voir la cervelle dégouliner sur ses affaires à lui. J'aurais voulu voir ses yeux sortir de leur orbite. problème: le code pénal en vigueur dans notre république m'interdit de tels agissements. Même en plaidant la folie, c'est un coup à rester au trou plusieurs décennies.

Ô que ma peine fut grande lorsque le diablotin se tut une minute, celle-là même où le contrôleur vint vérifier nos billets. le silence du garnement lui valut un compliment de l'agent SNCF: "Mais qu'il est sage ce petit"... J'ai cru me mettre à pleurer. Mais les larmes ont coulé à l'intérieur. J'ai gardé la face. On a continué de me prendre pour quelqu'un de fort. Oui, car c'est le reste de la rame qui se tapait les cuisses. Ils étaient trop contents de n'être pas à ma place, les chiens. Je n'ai eu de cesse d'envisager passer le reste du trajet dans le wagon bar, sur un tabouret raide comme la justice. Mais j'ai tenu à faire front et à profiter de la mousse de mon fauteuil jusqu'à la fin. Après tout, n'avais-je pas payé 70euros ce billet?

Mais à quel prix! Au prix de ma bonne santé mentale. Voilà que j'ai envie de vomir maintenant. Le petit joue aux voitures. Y'a même un camion de pompiers et des avions. Lorsqu'il a sorti son camion citerne, j'ai vite compris qu'il fallait que je passe aux toilettes. La tentation de le lui faire bouffer était trop forte.

Dernier stratagème, dernier rempart contre l'ennemi qui souhaite mon anéantissement total: l'ironie. Alors que j'étais en train de lire les Fragments d'un discours amoureux*, je me suis décidé à changer de bouquin. C'est qu'une question me taraude depuis des mois et des mois. Philosophie Magazine y consacre un numéro spécial: "Pourquoi fait-on des enfants?".

Débat à suivre.


*de Roland barthes

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