vendredi 26 février 2010

"Une Education", de Lone Scherfig

Jenny est anglaise, a 16 ans en 1961, est la fille unique d’un couple de parents sans histoire (à tous les sens du mot) qui ne rêvent que d’une chose : voir leur fille intégrer une Université d’Oxford. Parce que c’est quand même rassurant pour des parents. On la voit du coup s’y préparer jour et nuit, jusqu’à demander à son père quels « hobbies » elle doit avoir, en vue de l’oral d’entrée où il faudra faire bonne figure. Ainsi, elle joue du violoncelle dans un orchestre. La case « je suis sociable » étant remplie sur le CV, à quoi bon rester dans ce miteux orchestre ? Et son père de trancher : « Si tu en pars trop tôt, tu passeras pour une rebelle ». Jenny reste dans l’orchestre.

L’histoire bascule lorsqu’elle rencontre un type de deux fois son age qui, alors qu’il pleut, lui propose, avec toute la courtoisie qui sied à la situation, de la ramener chez elle. S’ensuit un marivaudage, un ravissement et tout un tas de péripéties classiques dans ce genre d’idylle romantique sans être mièvre (le mot « Paris » revient toutes les 10 minutes). En parfait gentleman, il la sort dans le monde, la fait voyager, lui parle peinture, musique…

Voilà un film d’époque tout à fait délicieux et agréablement surprenant... À 16 ans et avec beaucoup de maurité, la jeune fille tente d’affronter des choix de vie déterminants. Ses parents sont vite dépassés par les événements et peinent à résister à la tentation de succomber aux sirènes de la stabilité qu’offre ce riche dandy trentenaire qui sait les amadouer.

16/20

Les WC

Il y a des mots comme ça qui, par leur simple énoncé, me font rire. Au risque de paraître trivial, je me risque avec l’un d’entre eux, j’ai nommé les WC. La juxtaposition de ces deux lettres si différentes et si alphabétiquement éloignées ne peut que provoquer l’hilarité chez son lecteur. Ce « double-V » a déjà du mal à ressembler à quelque chose lorsqu’il est seul. Mais alors quand il vient se coller au « C » comme ça, en toute vulgarité… Enfin il y a pire. Il y a cette assonance : « vécé » qui est même systématiquement accentuée à l’orale lorsque l’on dit « les vécé ». « Où sont les vécé ? ». A t’entendre, « Dans ta bouche » a-t-on envie de répondre.

Syn. : Toilettes, Waters.
Mais aussi : Chiottes, « pipi-room » (pour les plus audacieux)

La semaine prochaine: PQ

mardi 23 février 2010

L’autre Dumas, de Safy Nebbou

Benoît (Poelvoorde) joue Auguste (Maquet), et Gérard (Depardieu) joue Alexandre (Dumas). Le premier est « l’autre Dumas, le nègre ». Le second est le premier Dumas, le vrai.

Le film est une réussite, du début à la fin et sur tous les plans, ce qui n’est malheureusement pas l’avis de toutes les critiques, qui ont apparemment pris la décision de ne plus jamais rien aimer de peur de passer un bon moment et de ne savoir pas comment gérer ce sentiment nouveau. Par ailleurs, un lundi à 22h25 nous n’étions que 7 aux Halles, dans une salle petite… curieux… Bref !

De quoi s’agit-il ? Auguste Maquet est un homme de l’ombre, à l’ombre du gigantesque et dantesque Dumas. Il n’est pas à proprement parler un nègre, il est beaucoup plus que ça. On va les suivre dans les semaines qui précèdent la révolution de 1848, alors que les deux écrivains s’attèlent à l’écriture parallèle d’une pièce et d’un roman.
Ils sont inséparables et irréconciliables.

Inséparables parce que, d’un côté, le Grand-Alexandre ne peut se passer de son « collaborateur » pour écrire ; et de l’autre, le trop sérieux Maquet ne peut se passer de son maître qui donne à la rigueur de son style la flamboyance nécessaire à tout succès littéraire.

Irréconciliables parce que les caractères s’opposent.
Dumas/Depardieu sort de lui-même, sort de l’écran, dévore tout ce qui passe : animaux, femmes, paysages… Il empoigne son désir et poursuit son chemin, comme un brise-glace qui fend la banquise-France selon sa vision, sans tergiverser à chaque centimètre pour savoir si le cap est bon. Il avance fort et juste, selon son intuition qui est toujours la bonne.
À l’inverse, Maquet/Poelvoorde est un travailleur plus appliqué, plus contraint, plus serré. Alors qu’il le voudrait, il ne parvient pas à sortir de ses gonds. Il se retient, il est fidèle et lorsqu’une passion amoureuse se dresse devant lui, il joue de maladresse, se prend les pieds dans le tapis entraînant dans sa chute un peu tout le monde, et même le régime politique. Et dieu sait que dans ce film le contexte historique est passionnant à observer, en toile de fond, par petites touches impressionnistes.

Ces histoires de nègres font toujours un peu fantasmer. Se dire que derrière l’histoire officielle, derrière la plume de tel ou tel il y a un oublié, un être talentueux, mais qui, pour mille raisons, n’accède pas au rang d’immortel de la littérature. Le sentiment de prendre part à une œuvre qu’il n’aurait probablement pas été capable d’initier se mêle à l’amère douleur du manque de reconnaissance. Maquet ne peut qu’être un wagon de la locomotive Dumas et Dumas ne peut avancer sans cet attelage. Peut-être le plus beau film qui soit sur le travail en équipe…

Pour le reste, tout est réussi : les costumes, les décors, la musique, la photo. Les personnages secondaires très bien servis. La réalisation est neutre ; ce n’est peut-être pas plus mal, ça n’entrave pas le déroulement du récit ni le plaisir complètement jouissif qu’il y a à observer notre Gérard national déployer tout son talent avec une déconcertante facilité.

jeudi 11 février 2010

Variations d’un plouc dès potron minet

_ Dès potron minet, la neige est belle, Paris pâlit.

_ Sarah Palin ? … pâlit aussi, de l’autre côté de l’atlantique. Drôle de tourbillon médiatique aussi débile qu’elle, la blanche américaine, gouverneure du candide Alaska à l’ours blanc et au noir pétrole. Drôle d’histoire que son histoire que cette course à la Blanche-Maison, ce « ticket » avec McCain, qui n’a plus tellement la patate depuis la défaite.

_ Dans le genre couple star, on lit des choses hallucinantes. Balkani prétend avoir couché avec Bardot dans les années… 60. Hm… Non, on n’a pas envie de savoir. Très sérieusement, quand l’on voit la photo des deux individus aujourd’hui… non, on n’a pas envie de savoir. Eh puis, c’est toujours facile de se vanter un demi-siècle après quand on est aussi sénile l’un que l’autre. On ne répètera jamais assez qu’il est préférable pour les superstars d’une époque de mourir au crépuscule de cette époque avant qu’une autre la remplace. Après on devient vieille et on ne parle plus qu’aux animaux.

_ Lu: Petite annonce :
« JF cherche homme mûr, mais pas trop. Hommes dégarnis au chéquier bien garni, bienvenus »

_ Entendu: Conversation :
« Tu lis quoi là ?
_ Là ? J’lis Les Misérables.
_ Pff ! C’est tellement 1802 »

_ Lu: Petit annonce :
« Cadre argenté cherche beau tableau pour mettre dedans »

_ Entendu: Conversation :
« C’est grand chez toi, j’aimerais bien visiter ?
_ Bah studio. Normal quoi, on se monte dessus.
_ Tu veux pas qu’on visite d’abord ? »

mardi 9 février 2010

Tombe la neige, ci-gît la mariée

Encore du blanc tombé du ciel ce matin, en flocons. Ma vie plan plan devient blanc blanc. La neige s’accroche à l’air, on dirait. Elle me rappelle ce soir d’été où deux amants buvaient du blanc côte-à-côté sur la banquette et côte d’agneaux dans leurs assiettes. C’était elle et lui. Ce fut toi et moi. Après le vin blanc vint le blanc de blanc. Et puis ce fut nous deux, seuls, dans le blanc des yeux. Partis déjà loin, loin du blanc de dinde. Puis aux Blancs manteaux, tu me revins, blanche colombe. Et l’air de rien, de toi à moi, de moi à toi. De banc public en banc public… on les publia, les bans. Ce jour d’été, un an plus tard la mariée était en blanc. Ce fut toi. Les chèques étaient en blanc aussi. Ce fut moi. Echanges d’alliances pour plus de confiance. Ce fut toi et moi. Un blanc seing à notre amour, dans cette église, au sein des saints. Ou déjà loin : le sable fin, rien n’était feint, le sable blanc, sans faire semblant. Comme nos semblables, tout simplement. Rue Blanche on emménagea. Curieusement tu disais qu’on déménageait. C’était déjà renoncer. Pourquoi la déballer, la blanche porcelaine, si dès l’instant d’après nous succombions à la faucheuse des amours vertes, l’insupportable litanie des habitudes ? Pourquoi ce chien ? Plus rantamplan que croc-blanc. Adieu au rêve. Les bancs publics sont déjà loin. Je ne sais pas bien quand tout ça a disparu. Tout ça c’est la colombe et puis le sable blanc qui devenu mouvant a bu mes souvenirs. Tes yeux sont toujours bleu, mais plus le même bleu. Quelque chose est parti, sans que je m’aperçoive. Etait-ce un cri ? Un cri silencieux, comme tous les cris qui viennent de loin. Cupidon a dû tiré à blanc. Un coup pour rien. Et on se tire. Sans la tirelire. Sans grand délire. Le blanc des yeux, monté en neige, est retombé, comme un soufflé, un camouflet à ta beauté. Celle-la même qui aurait dû m’accompagner jusqu’aux sombres ténèbres de nos vies évanouies. Et même là, sans respirer, loin de nos corps désintégrés, nous aurions dû l’étreinte poursuivre, dans la blanche lumière de l’infini. À jamais imprimée sur ma prunelle mordorée, ton image diaphane aurait dû -le pouvait-elle ?- m’accompagner à tout jamais dans un élan, un souffle long, interminable comme le fut ton baiser par ce doux soir d’été. Mais non. Non. Il n’a pu en être ainsi. Pourquoi ? Oh, mais parce qu’en fait t’es vraiment qu’une grosse connasse.

jeudi 4 février 2010

"Au coiffeur": Couper court... à toute conversation de Salon ?

« À la rigueur, oui alors à ce moment-là, on rallonge devant, on laque le côté et du coup on est tranquille pour tout l’arrière.
_ Oui… À la rigueur.
_ Ou alors, à la rigueur, ce que je peux faire c’est mécher l’avant, piquer le dessus et remonter toute la masse capillaire de l’arrière sur le dessus, en chignon. Et après je brushe le reste, à la main – (à l’ancienne).
_ Hmmm… ça nécessite réflexion quand même.
_ Ne craignez rien, c’est très courant, je fais ça tout le temps. À la rigueur, tenez, regardez c’est en une d’Ici Paris Et Maintenant Ici. Même Eva Longoria a choisi cette technique.
_ Eva Longoria est quand même une star internationale, c’est vrai.
_ Voyez. C’est affaire de 50 minutes pas plus. Et après, hop, vous filez sous les bacs. Et là c’est affaire de 3 heures maximum tout compris. 4 maxi, quoi, à la rigueur.
_ Mais il pleut dehors, tout va tomber à l’eau. À la rigueur il faut que j’achète aussi une charlotte pour que ça tienne.
_ Hmmm… ce serait peut-être plus prudent oui. Ou alors à la rigueur pour être tranquille je laque tout, et ça cimente l’ensemble. Bon bien sûr, on risque un petit effet casque. Mais en 2010, c’est le retour du playmobile. À la rigueur ça peut toujours faire son petit effet.
_ Allez, je vous fais confiance.
_ Allez, du coup je vous attaque »

C’est à peu près la conversation que j’eus à subir en attendant mon tour. Je préfère donner les éléments de contexte après le texte nu. Tout simplement parce que sinon, c’est insupportable. Mais il faut bien se représenter la coiffeuse. Ou le coiffeur… à la réflexion je ne sais plus bien. J’ai essayé de me remémorer la voix… mais en fait ça ne m’aide pas plus ; c’était une voix féminine, mais ça ne m’avance pas. En revanche, ce qui s’est imprimé pour le restant de mes jours, c’est cette expression « à la rigueur ». Je trouvais qu’il n’y avait rien de rigoureux ; rien de rien. Ni la construction des phrases, ni l’attitude. À ce propos, le masticage de chewing-gum est toujours du pire effet, mais là, je n’apprends rien à personne. Enfin personne de lettré.

Ce que j’aime chez le coiffeur, c’est le rythme, cadencé, ritualisé, immuable. Tout commence au définitif : « Bonjour, j’ai RDV ». C’est le top départ duquel tout découle. Ôtage des vêtements. Accrochage dans la penderie. Enfilage de l’espèce de chemise-de-nuit-satinée-sans-manche-qu’on-sait-jamais-si-on-la-met-par-devant-ou-par-derrière. Trajet jusqu’aux bacs. Intallation. Hop, petite serviette derrière la nuque. Basculement de la tête à 90°. Top, deuxième départ, le shampoing. Eau glacée. Eau brûlante. Et là la shampouineuse invente l’eau tiède (pas de sot métier). Shampoing glacé. Massage capillaire et testal. Même raté c’est un moment agréable. La zone est sensible, c’est comme ça, c’est comme ça. Hop derrière les oreilles. Rinçage (eau froide – dégoûté). Pour les plus chanceux (ou les plus crades), deuxième shampoing. Puis séchage avec un petite serviette rêche. Tordage de tête, mal à la nuque. Trajet jusqu’au trône, face miroir. Explication de la commande : « on coupe, mais on garde toute la longueur ». Coupe. Dissertation à l’orale : sujet : « les gens célèbres ont-ils plus ou moins de problèmes que nous ? ». Variante possible : « Qu’est-ce que tu fais pour les vacances ? ». Coupe. Apposition d’un miroir derrière la nuque pour demander au client impuissant s’il en est satisfait. Réponse par l’affirmative. Ôtage de la chemise-de-nuit-satinée-sans-manche-qu’on-sait-jamais-si-on-la-met-par-devant-ou-par-derrière. Retour par la case vestiaire. CB. Merci. Au revoir.

En quittant le lieu, je restai médusé devant le spectacle qui s’offrit à moi. Un coiffeur en faction préparait un feuilleté au saumon sur la tête d’une vieille dame. Rousse par ailleurs. Ca m’a scotché, ça m’a scié, ça m’a assis. Autant de papier d’allu sur la tête, j’avais jamais vu. Il paraît qu’après ils la passent au four. On m’a dit que c’était en fait pour les mèches et que ça n’avait rien à voir avec un feuilleté au saumon (fut-ce l’odeur). J’étais rassuré. Je partis soulagé, le cheveu léger, la cervelle reposée.

mercredi 3 février 2010

Quête du Graal. Episode I.

Je me souviens quand j’étais petit, en colonie, y’a un de nos moniteurs qui avait perdu sa montre Boss lors d’une ballade en forêt. Il était plutôt mécontent, pour le dire poliment. Alors le lendemain on avait tous refait le même trajet et il nous avait dit de regarder un peu par terre si toutefois on ne retrouvait pas sa putain de montre. Alors on s’était tous mis en ligne, et on avait marché, marché. Les plus téméraires remuaient tous les fourrés des fois que ladite montre s’y fut fourrée. Les plus fainéants regardaient leurs chaussures en avançant et faisaient mine d’écarter trois branchages lorsque le moniteur s’approchait. Face à l’échec de nos recherches le pauvre homme déballa l’artillerie lourde et nous sortit une carotte plus grosse que lui. Ce que je veux dire par là c’est qu’il promit une récompense à qui trouverait son cher bijou de famille. Enfin, ce que je veux dire par là c’est qu’il a trouvé un moyen imparable pour motiver ses jeunes troupes. Qui retrouverait sa montre serait récompensé d’un cadeau. Et c’est là que le bât blesse. Alors que nous bavions tous en attendant de savoir de quoi il retournait, eh bien il ne retourna de rien de bien follichon. Pour tout trophée à de nombreuses heures de recherche, l’heureux gagnant se voyait offrir deux boules de glace.

Voilà ! Fin de l’histoire. Je peux juste vous dire que 99% des 13 enfants qui composaient le groupe étaient ravis de cette arnaque. Il n’y eut que moi pour ruminer intérieurement combien je trouvais la récompense incommensurablement minable au regard de l’enjeu qui se montait à plusieurs centaines de francs français. Oui c’étaient des francs à l’époque. Ah, et tiens ! Puisque nous y sommes. Petit point technique avant de poursuivre. N’essayez pas de vous livrer à un produit en croix mêlant 99, 100 et 13. Vous ne parviendrez pas à un nombre rond d’enfants. C’était histoire de donner un ordre de grandeur dans l’absurdité de la chose. Etais-je le seul à penser cela, ou bien est-ce que tous les autres enfants le pensaient aussi et feignaient de sauter de joie pour je ne sais quelle raison… pour faire croire aux adultes qu’ils sont bien stupides et dociles. Mais tout de même, un instant de lucidité, merde. De nos yeux d'enfants... cette recherche de la montre magique, c'était d'une importance au moins égale à une quête de Graal. Or c'est bien plus que deux misérables boules qui étaient promises au Roi Arthur en cas de succès. Il s'agissait quand même de la vie éternelle, quoi. Alors merde. Fuck les deux boules. Les deux boules, pour le Roi Arthur, c'était une mise en bouche quoi, un vulgaire apéritif, pas une fin en soi. Nous on nous a vendu les deux boules comme l'aboutissement de la longue quête. Je suis désolé, mais non. Non!

Pourquoi cette histoire maintenant ? Quel rapport avec la choucroute ? Et quelle morale en tirer ? Eh bien tout ça pour dire que parfois on nous prend pour des cons et que comme personne ne le dit, on finit par se sentir seul et on se pose LA question qu’il ne faut jamais se poser.
Suis-je fou ou bien est-ce tout le monde autour de moi qui est fou ?
Cette question, autant que possible, il convient de la bannir de ses pensées. Elle est mortelle. Alors, devant la folie du monde, devant le tohu bohu post-moderne qui nous entraîne dans son délire, il nous faut quelqu’un/quelques uns pour dire en mots intelligibles ce qui se passe. C’est aussi simple que cela. Sans cela, face à l’absurdité du monde et face au silence de ses contemporains, la fourmi que nous sommes n’a plus qu’à se jeter du haut du trottoir…